LE MONDE 11 Mai 2014
Tours
de prestidigitation
au
cinéma Méliès de Montreuil
LE
MONDE | 11.05.2014 à 18h15 • Mis à jour le 11.05.2014 à 18h24 |
Vous
vous souvenez des tours de passe-passe au sein du Méliès,
l’emblématique cinéma art et essai de Montreuil
(Seine-Saint-Denis), et de son ancien patron, Stéphane Goudet, que
l’ex-maire écologiste Dominique Voynet avait (sérieusement) pris
en grippe ? Vous vous rappelez de la valse des postes, Stéphane
Goudet et deux autres agents ayant été escamotés en décembre 2012
?
Eh
bien voici la suite du numéro de prestidigitation : Stéphane Goudet
va retrouver son poste, ainsi que les deux autres agents suspendus –
Marie Boudon, chargée de la programmation jeune public, et Maud
Mandile, comptable. Officiellement, Mme Voynet avait justifié leur
éviction par le fait que des « irrégularités de comptabilité
» voire des «
détournements de fonds » avaient
été constatés à l’occasion de séances non commerciales (films
expérimentaux, etc). Une enquête est en cours.
Voynet
et Goudet, deux fortes personnalités, ne se sont jamais entendus.
Mais Goudet, le critique de cinéma influent, a pu faire valoir le
soutien de nombreux spectateurs et celui des cinéastes et
montreuillois, Solveig Anspach, Dominique Cabrera ou encore Dominik
Moll.
Pendant
la campagne des municipales, le candidat Front de gauche Patrice
Bessac avait promis la réintégration des trois personnes évincées.
Elu au second tour, le 30 mars, allait – il tenir sa promesse ?
Mercredi 7 mai, à l'occasion d'une « soirée de résistance »
à la Maison de l'arbre, salle pluridisciplinaire de Montreuil,
l' adjointe à la culture du nouveau maire a fait l'annonce tant
attendue. « La nouvelle équipe tient ses
engagements », a lancé
Alexie Lorca (apparentée Front de gauche), avant de confirmer la
« réintégration » des
trois intéressés. Celle–ci devrait être effective le 1er juin,
date à laquelle le Méliès, cinéma municipal, sera transféré à
la Communauté d'agglomération Est Ensemble. L'adjointe à la
culture a ajouté : « Cette décision s'inscrit
dans une logique d'apaisement, afin que tout le monde sorte de cette
crise par le haut. »
Des
questions en suspens
Car
l'affaire donne toujours lieu à une fore d'empoigne. Le Méliès est
trop élitiste, s'agacent les uns ; pas du tout, ce cinéma
n'est pas un ghetto, répliquent les autres. La preuve ? La
fréquentation s'établissait à 180 000 entéres annuelles depuis 10
ans, alors qu'elle a chuté à 110 000 entrées en 2013, soit depuis
le départ du grand magicien Goudet – sachant toutefois que le
cinéma a essuyé quarante six jours de grève en 2013.
Pour
l'avenir, quelques questions restent en suspens. Tout d'abord,
comment Stéphane Goudet va–t–il cohabiter avec la directrice
nommée par Dominique Voynet à la suite de son éviction ?
Soucieuse de ne pas mener de chasse aux sorcières, la nouvelle
équipe municipale n'entend pas se séparer d'elle. « On a
besoin de toutes les compétences. On veut continuer sans aucune
humiliation pour personne. On va aussi relancer le Conseil du cinéma,
instance consultative, composée de cinéastes, d'associations, de
spectateurs, etc..., qui réfléchit au projet culturel de ce cinéma
public », déclare au Monde Alexie Lorca.
Il
a urgence, car un nouveau Méliès est en construction, à deux pas
de la mairie, avec six salles et l'objectif de doubler la
fréquentation (320 000 entrées). Son ouverture, déjà repoussée,
est annoncée pour « début 2015 ».