TABLES RONDES DU 30 NOVEMBRE 2013 2/3


 "quel public pour le futur cinéma 6 salles ?"



Avant, Maëlig et Gaylord veulent nous dire juste un petit mot

Maëlig Cozic-Sova :
En réponse à ce qui s'est dit dans les interventions, je veux juste préciser à nouveau ce que j'ai dit tout à l'heure. Toute l'opposition de gauche nous a soutenus depuis le départ ; il n'y a eu aucune ambiguïté, aucun retournement de veste, pendant cette campagne très longue. Je veux juste faire justice aux engagements qui ont été pris. Ensuite, à propos d'Est-Ensemble : je ne prends pas position pour ou contre, ce n'est pas du tout le problème, je veux juste souligner qu'Est-Ensemble n'a pas porté plainte. S'ils avaient porté plainte, ç'aurait été probablement différent, mais ils n'ont pas porté plainte, il faut quand même le dire pour être clair. Et je voulais dire une dernière chose : j'espère qu'on pourra retravailler, dès que l'équipe sera réintégrée, travailler dans des conditions normales, retrouver du plaisir à revenir au boulot et à proposer des films complètement inédits comme avant. C'était quand même une période dorée : on bossait avec un sourire de fou, et on inventait des manières de travailler qui vont vraiment au-delà de ce qu'on peut espérer pour le travail. On est restés ensemble, on est très fiers de nous.

Gaylord Le Chéquer :
Je reprends la parole pour remercier l'association Renc'Art au Méliès et sa présidente mais aussi pour dire que, tout à l'heure, j'ai entendu à la tribune qu'il ne fallait pas qu'on dise n'importe quoi ; j'ai aussi entendu que le Grand Paris n'était pas un sujet de débat parce qu'il était déjà mort-né ; moi, je laisse à Renc'Art ce qui est à Renc'Art : c'était votre choix d'avoir ce débat et c'est bien la démonstration que, quand les citoyens se saisissent d'un sujet et commencent à tirer la ficelle de la pelote, c'est qu'ils sont en capacité de comprendre. Et c'est parce qu'ils sont en capacité de comprendre qu'on peut faire effectivement échec à ce projet et ce qu'a dit Georges Bertrand en est la démonstration : si on ne mène pas la bataille à tous les niveaux, y compris à notre niveau, les conseillers municipaux de base que nous sommes, on laisse un boulevard ouvert à ceux qui veulent passer en catimini puisque je vous rappelle que c'est ce qui s'est passé pendant les vacances d'été. Donc le combat doit être mené et ce n'est pas en abdiquant d'entrée que l'on pourra faire échec à ce projet qui nous semble aller dans le mauvais sens. En tout cas, un grand merci à vous pour la suite des débats.



À la conquête d’un nouveau public pour le futur 6 salles.

Des réponses innovantes doivent être trouvées pour que tous les publics de la ville  se retrouvent dans cette nouvelle structure. Ce cinéma doit devenir encore plus un lieu d’éducation populaire à l’image accessible à toutes les composantes de la population, écoliers, adolescents et jeunes adultes, personnes âgées ou handicapées, population d’origine étrangère, habitants de Montreuil éloignés du centre ville.

Claire Pessin-Garric, responsable de la Fédération des Œuvres Laïques du 93
        Sophie Soglo, représentante du C'ISM (Collectif Indépendant des Spectateurs du Méliès)
Georges Bertrand, vice-président de l’association Renc’Art au Méliès


Marie-Madeleine Cornières :
La perspective d'un nouveau cinéma 6 salles pose de fait la question : " quel public pour remplir ce cinéma ? Quel public, dans sa diversité de population montreuilloise ? Comment faire que ce cinéma soit un lieu d'éducation populaire à l'image pour les jeunes, pour les moins jeunes, pour les personnes âgées, et aussi un cinéma accessible aux personnes handicapées, à la population étrangère, aux jeunes adultes ? Comment offrir plus qu'un film : une culture cinématographique à Montreuil ?"
Je passe d'abord la parole à Claire Pessin-Garric qui est responsable départementale de la fédération des Œuvres Laïques et qui a certainement beaucoup réfléchi à l'éducation populaire à l'image pour les enfants, d'autant qu'elle a été institutrice à l'école d'à côté.


Claire Pessin-Garric, :
responsable de la Fédération des Oeuvres Laïques du 93.

Je me sens dans une situation assez particulière parce que j'étais anciennement élue à la Culture de cette ville et, même, aux manettes quand le Conseil du Cinéma a été créé. Donc je vais rappeler aux Montreuillois qui ne s'en souviennent peut-être pas que le Conseil du Cinéma était assez unique. Ça n'existait qu'à Montreuil. J'ai eu l'occasion d'en parler, car j'étais aussi vice-présidente au Conseil général de Seine-Saint-Denis, également en charge de la Culture : à Avignon, à une table ronde, quand j'ai eu à présenter l'expérience du Conseil du Cinéma, les gens écarquillaient les yeux en disant : "c'est possible ce genre d'exercice de démocratie locale dans le domaine de la Culture ?" Franchement on n'a pas à rougir de ça à Montreuil, je voulais le rappeler et je tenais à dire que je suis assez heureuse que cette belle idée née à Montreuil grandisse puisque j'entends aujourd'hui qu'une agglomération telle que Est-Ensemble s'apprête à labelliser et à reprendre à son compte cette magnifique idée.
J'aurais voulu aussi rassurer le monsieur de tout à l'heure en disant : "Oui ! La liberté totale en matière de service public de la Culture, c'est possible !" Ça l'a été à Montreuil, je tiens à le réaffirmer. Stéphane Goudet, pendant toutes les années où il était directeur quand la municipalité était la nôtre, n'a jamais eu à défendre que ses propres propositions. Jamais la municipalité ne s'est mêlée de quoi que ce soit. Il a été entièrement libre de sa proposition. Et le Conseil du Cinéma a travaillé également en toute liberté et pouvait également être force de proposition. Donc, quand une volonté politique est très affirmée et respectueuse de la démocratie locale et des citoyens, c'est possible. Je tenais à le rappeler puisque ça a été vrai à Montreuil.


Stéphane Goudet :
J'ajoute que cela été vrai, encore, pendant quelques années, sous l'ère Voynet avec un autre maire-adjoint en charge de la Culture ici présent : pendant ces deux époques, il n'y a pas eu d'ingérence dans la programmation du Méliès et, dans ces deux époque là, avec des formes un peu diverses, le Conseil du Cinéma était un lieu de libre expression où chacun pouvait vraiment donner son avis en toute liberté. Ce n'est pas un hasard si Dominique Voynet l'a de fait aboli.


Claire Pessin-Garric

Maintenant je voudrais laisser de côté cette ancienne casquette qui m'était pourtant chère, pour en prendre une nouvelle, celle de la Ligue de l'Enseignement — parce que la Fédération des Œuvres Laïques, c'est la représentation départementale de la Ligue de l'Enseignement. C'est donc au titre d'une association d'Éducation populaire que je prends la parole maintenant.
Depuis 150 ans bientôt la Ligue de l'Enseignement, mouvement d'éducation populaire complémentaire de l'école, place l'éducation et la culture au cœur de son projet de manière indissociable, considère que l'approche de l'art et des artistes est un puissant moteur de développement de l'imaginaire individuel et de transformation de l'école, allant, en ce sens, bien au-delà de l'apprentissage supplémentaire ou de la "distraction" que les pratiques artistiques peuvent apporter.
C'est sans doute la chimie entre les apprentissages fondamentaux et l'acceptation du trouble et de l'incertitude que l'art d'aujourd'hui véhicule qu'il convient de travailler. C'est en tous les cas le sens des démarches d'éducation populaire, tout à la fois en mesure d'installer l'individu dans son rapport au savoir et à la connaissance et dans une indispensable faculté à interroger et à se transformer. Si cette éducation artistique et culturelle nous paraît essentielle c'est parce que, en tant que parents, éducateurs, enseignants, nous avons une grande responsabilité pour aider nos enfants à se construire, à se repérer dans une réalité de plus en plus complexe, à savoir mieux identifier leurs désirs, leurs émotions, leurs choix, pour qu'ils soient créatifs et constitutifs de leur personnalité. En cela, pour qu'une éducation artistique soit réellement efficiente, elle doit conjuguer 3 expériences indissociables, à savoir :
  • la fréquentation avec les œuvres qui doit pouvoir se développer dans la régularité et la durée, en proposant un juste équilibre entre patrimoine et art contemporain, et qui nécessite toujours une médiation, c'est-à-dire un accompagnement avant ou après ;
  • la pratique en amateur, qui par la sensibilisation à un atelier permet de se confronter individuellement ou collectivement à un processus de création ;
  • et enfin, la rencontre avec les "travailleurs" des Arts et de la Culture, artistes, techniciens, artisans, qui facilite la transmission et l'appropriation de connaissances, de savoirs, de techniques.
Cela vaut évidemment pour le cinéma et l'éducation à l'image. Ces rencontres et pratiques sont déterminantes pour nourrir l'imaginaire des jeunes, pour qu'émergent leurs capacités créatrices, pour que se révèlent leurs talents ignorés, pour qu'émergent de nouvelles compétences, pour maintenir en éveil leur curiosité, leur appétit à connaître, à rencontrer ce qui les étonne, les questionne, à accepter comme allant de soi ce qui est nouveau, différent, étrange, étranger.
Et cela doit et peut se faire dès le plus jeune âge.
Toute rencontre artistique est à privilégier, dans tous les champs artistiques. Mais quelle fenêtre plus grande ouverte sur le monde et sa complexité que celle que nous offre le Cinéma !
Aider l'enfant à devenir spectateur, certes, mais un spectateur avisé, en maîtrise des codes, des langages, des contraintes, mais aussi du champ illimité de la création, connaissant les différents métiers, ceux de la création artistique comme ceux liés aux techniques, de réalisation, de montage, de diffusion ; actif, dans son discernement, un spectateur qui peut aussi, s'il le désire, devenir lui-même scénariste, réalisateur, monteur, photographe, etc ;
un spectateur à qui on propose autant la richesse de son patrimoine que les créations les plus innovantes faisant appel aux techniques les plus en pointe ;
un spectateur à qui le cinéma permet de s'inscrire dans le temps et dans l'espace, dans des langages convenus, comme dans les recherches les plus audacieuses sortant des sentiers battus ;
un spectateur à qui le cinéma permet autant de s'envoler dans un imaginaire le plus fou et le plus débridé, le plus audacieux, où tous ces rêves deviennent possibles grâce à la magie du cinéma que de découvrir le quotidien d'une société dans sa plus tragique réalité ;
un spectateur à qui on propose des rencontres avec des cinéastes, des acteurs, des professionnels, des temps de débat autour de films programmés à leur attention, des visites sur des lieux de tournage — et ils sont nombreux à Montreuil ;
un spectateur à qui on propose une programmation ciblée, prévue dans le cadre d'un projet co-construit avec les enseignants et les animateurs ;
un spectateur à qui on propose de passer de l'autre côté de la caméra, de devenir lui-même scénariste, réalisateur, photographe, monteur...
C'est un apprentissage qui nécessite de la durée et l'engagement des adultes aux côtés des enfants pour les guider dans la découverte de ce monde cinématographique si vaste, aussi vaste que la richesse du monde que le cinéma interroge, aussi vaste que la richesse humaine qu'il révèle. Cela demande que l'ensemble des adultes qui rencontrent les enfants dans leurs différents temps de vie, familial, social, scolaire, périscolaire, que tous les acteurs éducatifs et artistiques potentiels s'impliquent et soient capables de s'organiser pour construire, ensemble, de véritables parcours artistiques sur le temps scolaire mais aussi hors temps scolaire, élaborer un projet, des propositions, qui évitent les écueils de la redondance, du simple occupationnel. Cela ne peut se réduire à la seule juxtaposition de séances de cinéma, à la simple addition de sorties ou de quelques séances d'atelier : le parcours artistique doit être construit avec cohérence, avec un même objectif défini par tous, enseignants, animateurs, association d'éducation populaire, parents, et, chaque fois que c'est possible, les jeunes eux-mêmes, et puis des concertations, définitions d'objectifs communs suivies d'une mise en œuvre d'actions complémentaires. C'est l'avantage et l'intérêt des Projets Éducatifs de Territoire qui sont une opportunité à saisir pour créer cette cohérence et cette dynamique. C'est de la responsabilité de l'ensemble des adultes, mais particulièrement des élus qui gèrent des salles de cinéma dans leur ville, que de conduire des politiques publiques permettant ces parcours de découverte artistique dans le champ des arts visuels.
Mettre à disposition les salles ? Oui, mais pas seulement pour la diffusion commerciale, même si celle-ci revêt le caractère Art et Essai ou de recherche. Il faut en faire de véritables lieux de production, de fabrique et de ressources pour tenter des expériences portées par les jeunes eux-mêmes mais aussi créer des postes de médiateur culturel, porteur de projets indispensables aux côtés des enseignants et des animateurs, qui font appel à de vrais professionnels du cinéma ou qui sont, eux-mêmes, des professionnels, exploitant, réalisateur technicien, permettant cette continuité éducative et artistique entre école et hors école. Un même projet peut se décliner à partir du projet d'école, sur les hors temps scolaires, les médiateurs en assurant la cohérence et la continuité. Offrir à l'enfant un vrai parcours de découverte cinématographique lui permettant de s'approprier cet outil fantastique qu'est le cinéma au service de sa propre construction, de son enrichissement personnel, développant sa capacité d'analyse, de choix et, donc, sa propre liberté.
Cela peut être les enseignants, dans le cadre de leur projet d'école, qui participent au choix de programmation et développent, par exemple, des ateliers d'écriture de scénario, de synopsis, y travaillent en amont et en aval. Cela peut être aussi des séances avec des professionnels du cinéma, des associations d'éducation populaire, des animateurs favorisant par exemple les pratiques d'amateur ; cela peut-être les familles allant au cinéma avec leurs enfants dans un esprit éducatif, certes, mais également de loisirs . Cela implique la présence au sein de l'équipe du cinéma de professionnels formés à la médiation culturelle capables de contribuer à l'émergence des projets, à leur accompagnement et à leur mise en œuvre.
Doit-on réinventer les ciné-clubs d'antan ? Et pourquoi pas ? Avec les méthodes et les innovations technologiques d'aujourd'hui, on peut imaginer qu'une salle de cinéma public puisse se mettre en lien avec une des ESPE (École Supérieure du Professorat et de l'Éducation) qui prennent en charge la nouvelle formation des futurs enseignants, et propose des stages de formation aux enseignants dans le cadre de leur formation initiale et continue. De même pour les animateurs dont la formation est actuellement à l'ordre du jour.
Les Activités Pédagogiques Complémentaires qui se déroulent sur le temps scolaire comme périscolaire peuvent devenir dans un climat apaisé des moments propices pour développer ces projets avec les enfants.
Il faut en même temps rester attentifs à ce que le cinéma reste avant tout un art, qu'il ne se réduise pas à un objet pédagogique. La déclinaison de ce type de projet artistique sur tous les temps de l'enfant peut éviter cet écueil.
Tout cela demande une volonté politique déterminée à l'échelon territorial mais aussi au niveau de l'État, à travers les ministères concernés, Éducation et Culture, qui dégagent les moyens financiers nécessaires pour assurer les trois piliers que je citais précédemment. Je rappelle ces trois piliers :
  • la découverte des œuvres à travers une programmation adaptée allant du patrimoine aux productions les plus récentes et les plus innovantes,
  • les rencontres avec les artistes et les professionnels du cinéma par des résidences,
  • la pratique, par des stages de production et de réalisation et des ateliers de fabrique cinématographique.
Quel projet politique vaudrait plus que celui qui permet à nos enfants de gagner leur liberté ? Montreuil regorge de lieux, d'associations, qui, au côté du cinéma public, peuvent être sollicités pour contribuer à la réussite de ces parcours artistiques cinématographiques. Les associations d'éducation populaire conduisent depuis des années des actions éducatives artistiques et culturelles en lien avec le cinéma. La Ligue de l'Enseignement gère un cinéma itinérant, notamment dans les zones rurales — je vous annonce d'ailleurs qu'il existe un autre Méliès en France, à Grenoble, et qu'il est géré par la Ligue de l'Enseignement. La Ligue de l'Enseignement mène également des activités artistiques et culturelles au sein des centres de loisirs, dans des centres de vacances, mais aussi comme intervenant, dans les établissements scolaires du primaire et du secondaire. A travers toutes ces actions, c'est aussi la défense du cinéma indépendant qui est en jeu. Former à l'esprit critique, sensibiliser à des créations à contre courant, c'est contribuer à cette défense.
Mon intervention a surtout porté sur le lien que le cinéma peut entretenir avec les jeunes mais cela vaut évidemment pour tous les publics : de la même manière qu'on tisse des liens particuliers avec les établissements scolaires en réservant des plages horaires et des dispositifs spécifiques, on peut tisser des liens tout aussi ciblés et organiser des débats, des rencontres avec les publics de retraités, les établissements qui accueillent des personnes handicapées, des clubs de passionnés de cinéma …, en étant attentif à des propositions qui permettent la rencontre de tous ces publics.
C'est un juste équilibre entre les propositions ciblées et le tout public qu'il faut savoir penser. Le nombre de salles accru, c'est un atout pour réussir cet exercice périlleux mais essentiel : une programmation exigeante et populaire qui aide chacune et chacun, quel que soit son âge ou son statut social, à garder tout au long de sa vie sa curiosité en éveil, sa capacité à s'interroger sur le monde, et sa relation aux autres. N'est-ce pas le rôle essentiel de l'art et de la culture ?

Marie-Madeleine Cornières :
Si je me souviens bien, le projet du futur six salles est né au Conseil du Cinéma. Je tiens à le redire parce que ça été un grand débat, dans les années 2005 ou 2006, et je crois que cela a été un des grands projets de ce conseil. Je rends hommage au rôle qu'y ont joué Robert Guédiguian, Dominik Moll et Dominique Cabrera.

Claire Pessin-Garric :
Il y avait aussi la cinéaste Dominique Aru. Je appelle que le Conseil du Cinéma n'a pas eu seulement un rôle consultatif dans cette affaire mais qu'il a permis d'orienter le projet lui-même : il y avait une réflexion, tout à fait légitime quand on est politique, sur le statut du cinéma ; il y avait aussi une réflexion sur son lieu géographique d'implantation. Le Conseil du Cinéma, par sa réflexion, a réussi à infléchir sérieusement les choix que la municipalité ensuite a mis en œuvre.


Sophie Soglo
représentante du C'ISM (Collectif Indépendant des Spectateurs du Méliès)

Je fais partie du Collectif Indépendant des Spectateurs du Méliès, né de manière spontanée lors du deuxième Méliès Éphémère qui avait lieu à la Maison de l'Arbre, à la demande de Stéphane Goudet, porte-parole de l'équipe qui demandait à ce que des spectateurs manifestent leur soutien. Depuis, nous luttons à notre manière et à côté de Renc'Art et de l'équipe pour que la ré-intégration de l'équipe en entier soit la plus rapide possible parce que ça nous semble absurde qu'elle ne le soit pas.
D'autant que le débat que nous avons cet après-midi, tout aussi nécessaire et vital qu'il soit aujourd'hui, n'avait même pas lieu d'être il y a deux ans, puisque le projet culturel était en place. Si le six salle était un projet de la Ville, c'était tout simplement parce que le trois salles ne suffisait plus à accueillir les spectateurs et les propositions artistiques qui existaient déjà à Montreuil.
Par rapport à ce qui a déjà été dit sur le Grand Paris, nous sommes attentifs au problème montreuillois, le problème du Méliès. Et toutes ces discussions sur "chercher un nouveau public, etc..." c'était ce qui se faisait avant parce que l'équipe aimait son cinéma, elle le défendait avec joie et enthousiasme, elle nous faisait partager cet enthousiasme et cette joie. Quand les gamins allaient voir des films improbables qu'ils n'auraient jamais vus ailleurs qu'au Méliès, Marie, ou les gens qu'elle avait formés, nous donnait envie et faisait partager leur enthousiasme. Du coup, les gamins étaient contents, peut-être que 4 ou 5 ne l'étaient pas, mais la majorité l'était, et ça, c'était l'éducation à l'image dont Mme Pessin-Garric vient de parler. La programmation était extrêmement diverse et le choix d'aller vers un six salles, c'était justement pour faire perdurer cette éducation à l'image, pour avoir plus de sorties nationales, pour faire venir un public différent et plus varié. En tout cas, il était hors de question d'imiter MK2, UGC ou les "gros" parce que ce n'était pas l'enjeu au Méliès. L'enjeu n'était pas d'avoir une "grosse baraque" et des séances « popcorn », mais plutôt de faire perdurer ce qui existait, et en particulier le travail d'éducation à l'image, le travail avec les associations, avec les scolaires, avec les différents services de la Ville, avec les structures locales. Les rencontres multiples, les débats joyeux et animés, tout cela existait auparavant et nous trouvons absolument incroyable de devoir avoir ce débat ici aujourd'hui parce que la municipalité en place ne veut pas l'avoir, sur des sujets qui étaient actés et logiques il y a un an et demi et qui depuis deux ans sont un enjeu de lutte quotidienne. Ce débat, organisé par Renc'Art au Méliès, mais aussi les Méliès Éphémères qui vont revenir, notamment le 14 décembre, font partie de cette lutte quotidienne. Nous vous invitons venir faire la fête avec nous et surtout voir des films.
Ce que nous avons à dire c'est que nous voulons la réintégration de l'équipe parce que c'étaient des gens compétents. Au-delà de ça, la question d'un public, la question du Grand Paris, cela allait avec un Méliès fort, que nous avions auparavant. Nous trouvons plus que dommageable de devoir encore, aujourd'hui, débattre de choses qui sont aujourd'hui d'actualité alors qu'elles ne l'étaient pas auparavant.

Marie-Madeleine Cornières:
Même si auparavant on avait un cinéma qu'on adorait et qu'on souhaite retrouver au plus vite, cela n'empêche pas de continuer à s'interroger pour faire venir l'ensemble de la population montreuilloise au cinéma. Je crois que nous devons ouvrir plus largement les portes de notre six salles à cette population qui ne vient pas, pour des raisons diverses, parce qu'elle est trop éloignée du centre-ville et qu'il n'y a pas de navette pour ramener des personnes le soir après le cinéma, parce qu'elle ne parle pas forcément le français... Nous avons à creuser, à réinventer, à travailler, pour être toujours plus ouverts et être toujours davantage le cinéma de l'ensemble de la population montreuilloise. Ça n'enlève absolument rien à tout le travail qui a été fait avant : ça ne peut que le renforcer et peut-être aussi à aider l'équipe à travailler sur d'autres pistes.


Georges Bertrand
Vice-président de Renc'Art au Méliès

Il ne faut jamais oublier, quand on parle « public du Méliès », que notre raison d'être c'est de projeter des films qu'on ne va pas voir ailleurs, ceux qu'on ne peut pas voir à Rosny 2, ce qui n'empêche pas la nécessité d'élargir les publics. Il faut bien tenir le but, la raison d'être, du Méliès : c'est bien les films Art et Essai, le cinéma indépendant, etc. Il ne faut jamais perdre ça, même si on veut élargir — il faut élargir — mais il faut tenir les deux, pour mieux diffuser les films Art et Essai. Il faut plus de salles, je n'insiste pas, je crois que c'est acquis.
Le deuxième point sur laquelle je voudrais insister, c'est l'importance des débats, et des débats de qualité. C'est une des choses qui a fait la force du Méliès, qui a fait que les cinéastes prenaient plaisir à venir au Méliès : c'est important pour faire venir des intervenants intéressants, et c'est important pour le public également, d'avoir des débats enrichissants. Pour Renc'art, c'est vraiment une de nos revendications : rétablir les débats, qui feront venir du public. C'est lié.
Et enfin, troisième point, il faut élargir le public. C'est clair qu'on en a aussi besoin. On aura la possibilité de le faire avec plus de salles. Il faut s'appuyer sur la force de toutes les activités culturelles qui existent à Montreuil, il faut s'appuyer sur les autres filières. Peut-être y a-t-il des progrès à faire par rapport à ce qui se faisait auparavant : le livre, la musique, les arts plastiques, etc... Il faut qu'on développe les synergies — il y en a déjà, on ne part pas de rien — mais il y a des possibilités de les renforcer, des possibilités de renforcer les liens avec les professionnels du cinéma ou des activités proches du cinéma parce que les limites bougent : les arts plastiques, les vidéastes..., il faut qu'on en tienne compte, que le Méliès s'inscrive dans ce mouvement pour que Montreuil reste à l'avant-garde de la culture et même renforce sa position d'avant-garde.
Reste la question qui est souvent posée, telle qu'on vient de l'aborder : les jeunes. Le problème est réel : à partir d'un certain âge, le public jeune préfère Rosny 2. Il y a besoin de travailler là-dessus bien sûr — ça a été esquissé : il y a l'éducation à l'image...— , que le Méliès devienne leur cinéma quand ils sont écoliers de telle sorte que collégiens et lycéens continuent à aller au Méliès. Je pense qu'on peut progresser.
Autre chose : les cités populaires du Haut Montreuil ont du mal à venir au Méliès. Il y a une question de transports, qui ne dépend pas uniquement de la municipalité, mais il faut sans doute réfléchir à ces questions de transports, aux horaires, aux programmations. Cela pourrait être le rôle de ce Conseil du Cinéma renouvelé et élargi que nous souhaitons : trouver les moyens de faire venir ces publics davantage. Cet après-midi, d'ailleurs, nous n'avons pas réussi — on a essayé — à avoir des représentants du Haut Montreuil autour de cette table ; les personnes qu'on a approchées nous ont dit "Oui, oui, c'est une bonne idée, c'est nécessaire" mais elles ne sont pas là aujourd'hui. Donc il faut qu'on travaille sur ce sujet.

Régine Ciprut
Je voudrais intervenir sur l'accès et l'ouverture aux autres publics, parce que partir de la notion d'Éducation populaire, c'est aussi partir de l'idée que des personnes ont des savoirs et des connaissances, même si elles ne le savent pas et même si elle ne les mettent pas en œuvre. Claire Pessin-Garric a beaucoup insisté sur la démarche. Je crois aussi que dans l'accessibilité, il y a aussi la question du tarif et c'est le rôle premier de la municipalité de mettre en place des tarifs et de mettre à disposition des salles. Je suis d'accord avec les intervenants sur la nécessité de travailler avec les autres structures culturelle de la Ville, mais il faut faire attention à garder la grande qualité : la recherche, l'Art et Essai, le cinéma public indépendant le Méliès, mais avec le six salles, on peut aussi avoir l'ambition d'aller à la conquête d'autres publics. Et là, on se heurte à la question non seulement des moyens financiers mais aussi des moyens culturels de personnes qui ne sortent jamais ou qui ont d'autres cultures. En ce moment, je suis des cours de cinéma africain. Les Africains ne vont sans doute pas au cinéma ; ce n'est pas non plus dans leur pratique, chez eux, d'aller à des concerts, parce que la musique est intégrée dans d'autres formes de vie, mais si on leur en donne la possibilité, on peut faire des choses. D'ailleurs, souvenons-nous : nous avons fait une très bonne soirée avec Correspondance, avec l'association des Femmes maliennes ; le Méliès n'avait jamais été aussi bondé. Il faut donc travailler l'accessibilité avec les professionnels du cinéma mais aussi avec le milieu de la culture et avec le milieu associatif de manière générale.

Daniel Chaize
Je suis ex-maire-adjoint chargé de la Culture avec, entre autres dossiers, le transfert du Méliès, et le fameux combat avec MK2 et UGC
Et tout d'abord merci Renc'Art au Méliès d'avoir organisé cette réunion parce qu'on parle d'une histoire de Montreuil, ville de cinéma, et on parle de l'histoire du cinéma français , dans laquelle Montreuil a un rôle important à jouer. À l'époque, dans ce Conseil du Cinéma que je respectais, j'étais confronté à des débats sur la solidité de la conviction de la municipalité de la maire "sortie", à propos de "oui ou non le transfert ?". Certains d'entre nous étions pour ce transfert de la Croix de Chavaux, avec trois salles, au centre-ville, avec six salles, que nous appartenions ou non à la majorité. Pourquoi? Parce qu'effectivement, c'est très important, pour l'histoire d'un cinéma vivant, pour son avenir, d'avoir un nombre d'écrans suffisant pour diffuser ce qu'on appelle le cinéma « du milieu », ce qu'on appelle les films d'auteur. On voit bien que si on casse cela, on casse le cinéma et dans ce cas-là, il ne s'agit plus du tout du Méliès comme on en parle ici. Donc, c'est un cinéma pour le cinéma, pour les réalisateurs, c'est un cinéma pour le public, de cinéphiles et de non cinéphiles. Et c'est vrai, c'est dur ; il y a des problèmes de transports, il y a des problèmes techniques, des problèmes d'éducation et il y a des problèmes d'attractivité. Je pense aujourd'hui aux jeunes, et aux moins jeunes, qui habitent aux Morillons, cité que je connais bien pour y avoir vécu : ils sont tournés vers Rosny, où il y a des cinémas qui, mieux que le Méliès trois salles de la Croix de Chavaux, invitent à sortir, aller draguer un peu en faisant une sortie dans un lieu plus attractif ; ce sont des éléments secondaires, probablement, par rapport au cinéma, mais des éléments à prendre en compte si l'on veut faire découvrir d'autres films à ces publics.
Sur la question du public, j'ai assez peu eu le temps, malheureusement, d'avancer avec l'équipe du Méliès mais dans les débats engagés avec Stéphane Goudet, je disais qu'il fallait profiter du temps, qui nous semblait court : 12-14 mois pour le chantier. Il faut aller vendre, dans le sens marketing, il faut aller auprès de tous les publics, seniors ou jeunes, pour montrer combien c'est attractif. Même dans le « trois salles », il y a un travail à faire vers les cités : c'est le rôle des élus, c'est le rôle du Conseil du Cinéma — merci d'avoir dit, Stéphane, que j'ai toujours laissé sa liberté à cette instance, ainsi qu'aux éditoriaux bien que la maire m'ait demandé parfois d'en écrire, ce que je n'ai jamais fait. Aujourd'hui, on est sur des décombres, le cinéma est cassé ; cassé artistiquement, avec la fréquentation telle que vous la connaissez, mais également fauteuils cassés, ce qui pose un problème pour les nouveaux arrivants à la Ville — il va falloir quand même faire la jonction entre les deux implantations dans des conditions qui ne soient pas celles d'un "trou à rats".
Il a été beaucoup question dans la première table ronde, et c'était fort intéressant, de démocratie, d'indépendance, de municipalisation ou pas et jusqu'où ? Quand une collectivité territoriale investit dans un cinéma municipal pour le rééquilibrage, les questions que vous avez soulevées tout à l'heure, madame la présidente, en vous faisant l'avocat du diable, sont légitimes : est-ce que c'est possible économiquement ? est-ce que ça le sera demain ? est-ce que ça le sera pour le six salles ? J'ai toujours pensé que c'était possible parce que je suis persuadé qu'on peut gagner en nombre de spectateurs et qu'une ville comme Montreuil se doit, avec l'histoire qui est la sienne, d'avoir un cinéma qui ait un rayonnement territorial.
Je n'entre pas dans le débat sur le Grand Paris ni sur Est-Ensemble, mais on peut penser que s'intégrer dans une surface institutionnelle plus grande peut permettre de mutualiser les moyens, voire peut accroître le rayonnement de la qualité montreuilloise à travers le Méliès. Une grande ville de 100 000 habitants a aussi ce rôle-là. Mais, compte tenu de la manière dont se présente le débat sur le Grand Paris, compte tenu de notre expérience de l'intercommunalité, on ne peut pas dire que tout cela soit géré au mieux ! Je pense donc qu'il faut remettre toute les cartes à plat et que la municipalisation est certainement une voie sur laquelle il y aura à réfléchir très sérieusement.

Martine Boisset
Je voulais juste intervenir sur les nouveaux publics. On a mis en place, avec l'équipe « historique », une employée hyper-compétente qui travaille à la recherche des nouveaux publics. Elle a essayé de faire son travail et, en ce moment, elle le fait pratiquement toute seule, sans la direction, sans personne, en y mettant tout son cœur. Elle va voir le SMJ (Service Municipal de la Jeunesse), elle voit toutes les associations, les handicapés, les seniors ; elle travaille avec le CCAS (Centre Communal d'Action Sociale). Mais, en ce moment, le travail est hyper-difficile pour elle. Elle est seule à travailler, on ne lui parle pas. Elle fait son travail toute seule et on lui dit : "Oh, ben c'est ton public ! Nous on ne s'en occupe pas." Voilà où on en est aujourd'hui. C'est vous dire que, sans la réintégration de l'équipe historique, on ne pourra pas remplir six salles : c'est impossible, vu la situation actuelle complètement détériorée. J'espère qu'on va pouvoir attendre quatre mois…

Abraham Cohen
Je fais un film depuis février sur l'histoire du Méliès mais ce n'est pas à ce titre-là que j'interviens. Avant, j'ai travaillé avec Périphérie pendant de nombreuses années, et avec l'équipe du Méliès, le temps d'un mois, pendant les Rencontres du Cinéma documentaire. Ce que je voudrais dire, d'autres le diront mieux que moi peut-être : ce que je trouve intéressant, pour revenir à la question de la programmation et du public, c'est la question d'un lieu unique. De manière générale, la logique du cinéma, c'est que le gâteau se partage entre ceux qui ont les films « porteurs » la première semaine et puis le reste, le cinéma d'auteur ou le cinéma "minoritaire". Du coup, ça fait un partage du public. Or, ce qui m'a toujours intéressé dans le projet du nouveau Méliès (ça se passait déjà dans le Méliès actuel, mais ça serait amplifié dans le nouveau Méliès), c'est qu'il y ait un lieu unique où tous les publics se rejoignent. Ça paraît une lapalissade de dire ça, mais je pense que c'est au cœur du projet de base. La réalité de la question du public, elle vient sûrement de la recherche de public que l'on peut faire, mais surtout aussi de la logique de programmation : quels moyens met-on pour, à la fois, avoir, par exemple, « Gravity » en première semaine et les Rencontres du Cinéma documentaire ? C'est ça qui est important, quand on va au Méliès : toute la population qui va venir voir un "gros" film va voir qu'il se passe autre chose dans les salles parallèles et elle aura peut-être envie de croiser des gens et de découvrir d'autres choses. Cela se fait sur le long terme, en parallèle avec la recherche du nouveau public. Je voulais recentrer le débat sur la question du lieu unique et la logique de programmation : c'est forcément la pierre angulaire du projet.

Robert Deu
Je voudrais insister sur la vocation sociale de ce cinéma. Je veux bien que, lorsqu'il est loin, ça ne soit pas commode d'y venir, mais il y a des raisons beaucoup plus générales que ça. Regardez la municipalité de Paris : depuis cinq ans, elle a assuré la gratuité des musées et, au bout de cinq ans, la fréquentation n'a pas bougé ! Ça laisse entendre qu'il y a des raisons qui s'apparentent à un plafond de verre, comme une auto-culpabilisation ("c'est pas pour moi", "il faut de l'argent"...) Il y a eu une enquête sur la fréquentation du Méliès : on a bien vu qu'elle était le fait d'une certaine couche sociale. En France, les pratiques artistiques sont minoritaires, y compris le Cinéma. C'est pour cela qu'on parle de "service public" ; mais on dit aussi "pour l'ensemble de la population" ; non, le service public, c'est certes toute la population mais avec une caractéristique de plus : c'est un service public à vocation populaire. Dans la population montreuilloise, avec son patrimoine culturel, historique et politique, il y a une volonté que ce soit populaire. Pourquoi ? parce que les gens en ont besoin, ils ont besoin qu'on cultive leur sensibilité, leur sens artistique, que leur imaginaire fasse une lecture — une co-lecture —du film, parce que le film est muet, c'est le spectateur qui le lit et le recrée, le fait vivre, et, s'il y a plusieurs avis, c'est encore mieux, d'où les débats. Je dis donc « service public populaire », du point de vue culturel en général, pas seulement pour le Méliès ! Attention de ne pas faire la Culture pour l'élite, le socio-culturel pour les classes moyennes et le social pour les pauvres ! Comme dit la Bible : "l'homme ne vit pas seulement de pain". Je vous rappelle ce que disait madame de Gaulle-Anthonioz — celle qui s'occupait d'ATD - quart monde — "Il faut la culture, parce que la culture c'est l'autonomie", c'est aussi la critique donc ça aide les gens, même si ça ne résout pas les problèmes de chômage.

Claire Pessin-Garric
Je voudrais réagir rapidement à ce qu'a dit Robert. Ça rejoint complètement ce que je crois profondément : la fréquentation de ces lieux culturels, dont le cinéma, mais pas uniquement le cinéma, doit être naturelle et tout au long de la vie. Ça commence dès le plus jeune âge, dès l'école. Il faut que l'école s'implique dans des parcours artistiques de découverte cinématographique ; il faut que les activités éducatives autour de l'école le fassent aussi, pour que, dans l'univers du jeune, ça s'inscrive naturellement, que ça devienne ensuite quelque chose d'indispensable dans sa vie d'adulte et que la fréquentation de ces lieux-là devienne continue. Je pense que le rôle éducatif est hyper important au moins dès les maternelles, peut-être dès la crèche.

Stéphane Goudet
Je voudrais ajouter deux ou trois choses sur cette question-là de l'ouverture au public. D'abord l'enjeu des 6 salles, c'est vraiment de pouvoir représenter dans un même lieu l'ensemble du spectre du Cinéma et même des arts voisins, donc, effectivement, d'exposer davantage le cinéma populaire de qualité et faisant l'objet d'une sélection mais aussi le cinéma des marges, le cinéma expérimental et de se dire que tout ça, ça fait une maison commune, qui s'appelle le cinéma, dans laquelle se retrouvent les habitants d'une ville et des environs. C'est cette rencontre-là, le projet réel. Et, dans une sorte d'honnêteté par rapport à nos goûts à tous — les programmateurs, l'équipe de programmation — on s'était dit "le cinéma populaire qu'on aime vraiment, on va pouvoir le montrer", clairement, en l'assumant, en l'accompagnant parce que les débats ça peut se faire sur des films grand public. On peut tout à coup mobiliser l'intelligence de nos spectateurs pour faire en sorte de travailler sur Gravity. Il se trouve que Gravity, par exemple — pour citer cet exemple-là qui est un des films intéressants qu'a produits Hollywood récemment — sera montré en vingt-deuxième semaine au Méliès de Montreuil (approximativement) ; c'est dément, alors qu'on est équipé en numérique et en 3D, de prendre ce film fin décembre alors qu'il suffisait de le voir en amont pour réaliser que c'était un film réellement intéressant, expérimental dans le travail sur la technologie numérique et 3D et qui par ailleurs racontait des choses à partir lesquelles on pouvait dialoguer avec des spectateurs. Ça, c'est une faute de programmation qui a des enjeux esthétiques (ça raconte quelque chose sur la vision et la construction des images au cinéma), et c'est une faute économique et politique quand on perd des dizaines et des dizaines d'entrées (je ne dis pas des milliers, mais je pense que ce sont des milliers d'entrées à l'arrivée) et quand ça résonne avec l'absence d'un film qui n'a rien à voir en apparence mais qui fait aussi partie des films les plus importants du moment, Les rencontres d'après minuit d'un cinéaste montreuillois qui est dans tous les classements des films les plus importants de l'année. Ce film n'est pas au Méliès et n'a pas vocation, apparemment, à y être, peut-être parce que tous les cinéastes montreuillois sont soupçonnés de nous soutenir — il se trouve que ce n'est pas faux, mais quand même. Mais qu'ils prennent des risques ! Ça n'est plus un espace démocratique aujourd'hui, le Méliès, c'est devenu l'espace d'une paranoïa politique et esthétique et ça, c'est gravissime.

Michel Podgoursky
Je pense que, à propos du public jeune, il faut faire une différence entre "aller au cinéma" et "aller voir un film" : ce n'est pas pareil. Pour aller voir un film, il faut avoir pris l'habitude d'être allé au cinéma. J'ai trois enfants et je ne suis pas arrivé à leur communiquer ce plaisir d'aller au cinéma, d'aller voir un film, parce que je n'ai jamais trouvé la programmation quand ils étaient jeunes. Maintenant, ils ont Internet, ils font autre chose, mais ils ne vont pas au cinéma..
Je pense que, si on veut trouver un nouveau public, c'est important que ce futur cinéma-là développe une politique. Ce n'est pas l'école. L'école joue son rôle d'école. Mais le cinéma lui-même doit développer quelque chose et les familles doivent pouvoir trouver au cinéma quelque chose qui permette d'y emmener les enfants. Je sais qu'il existe déjà le "programme dans la lune" mais ce n'est ce n'est pas le "programme dans la lune" qui va donner envie, à mon avis.
J'avais écrit un projet avec l'idée de réfléchir à un "truc éducatif" entre 6 et 12 ans — après 12 ans ce n'est plus la peine d'essayer d'imposer quoi que ce soit à un enfant — Entre 6 et 12 ans, sur une durée de 5 ans, s'il y avait un film par semaine à voir, ça fait à peu près 200 à 250 films. Ne peut-on pas trouver 200 films du patrimoine, un film par semaine, où on présenterait quelque chose du Cinéma ? Parce que les débats qu'on a eus au Méliès s'adressaient à des cinéphiles : quand on parle "plan séquence", les gens savent ce qu'est un plan séquence ; on dit "Hitchcock", ils savent qui est Hitchcock, ils savent qui est Fellini ; le cinéma russe ? les gens qui sont là, les cinéphiles, savent ce que c'est que le cinéma russe... Les jeunes, ça leur passe au-dessus de la tête et ils s'en vont. Mes enfants ne restent pas au débat ; on a du mal à les traîner voir les films mais le débat...! "non non, moi je rentre !". Ce n'est pas normal !.
Il faut développer quelque chose d'éducatif; par exemple, on choisit un film qui peut présenter ce qu'est Hitchcock et on peut prévoir des fiches pédagogiques. J'en avais parlé avec Caroline Carré, qui m'avait dit « oui, ça pourrait être un travail à faire avec Renc'Art au Méliès, pour présenter les films, pour rédiger les fiches. »
Avec six salles, il y en a bien une qui pourrait être disponible un soir par semaine, un mardi à six heures par exemple.

Jean-Louis Le Gall
On tricote un peu tous les thèmes, cet après-midi, forcément. Ça ne vous étonnera pas que je revienne sur quelque chose qui, à mon avis, n'a pas été suffisamment souligné lorsque quelqu'un est intervenu, au fond de la salle, pour parler de "municipalisation et indépendance". Je voudrais dire que le Méliès, Renc'Art au Méliès, n'a jamais été aussi libre que dans la mandature précédente. L'association Renc'Art au Méliès, qui est maintenant — vous le savez — hors séjour (on n'a plus le droit de faire des débats, on n'a plus le droit d'avoir des initiatives), auparavant menait des opérations avec des structures, mais aussi avec le milieu associatif de Montreuil ; on a fait, dans le temps, beaucoup d'opérations croisées avec des associations. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on peut le faire, c'est fini, on n'a pas le droit, on est virés.
Je voudrais vous dire aussi que comme on n'a pas d'offre cinématographique à proposer à nos adhérents, nous avons trouvé un autre style d'animation : ce sont le contenu, les débats, comme en juin, comme aujourd'hui. C'est un aspect qu'il faut maintenir parce que c'est à travers cela qu'on va pouvoir reconquérir la population, reconquérir les Montreuillois, en essayant de développer un mouvement de mobilisation comme on l'avait fait contre UGC et MK2 — souvenez-vous : 20 000 signatures ! D'ici l'ouverture du 6 salles, il faut qu'on ne cesse de solliciter les gens, de leur communiquer les informations, car ce qu'on fait là, c'est qu'on est en train de construire, en fait, le 6 salles !
Et à propos du 6 salles, on disait effectivement que le Conseil du Cinéma a été créé pour garantir l'indépendance. Et ça a fonctionné merveilleusement bien.
Nos « amis » de la municipalité "précédente" — non, toujours actuelle hélas ! — proposaient deux entités cinématographiques : l'une en conservant le trois salles et l'autre dans le haut Montreuil ; c'était un projet délirant sur le plan économique, délirant sur le plan du fonctionnement. Et l'argument qu'on avait développé avec Stéphane Goudet 'était de dire "non, le 6 salles, c'est un endroit de mixité sociale ! Tout le monde se retrouvera là". Alors que si on faisait deux entités, il y aurait naturellement une coupure sociologique formidable. Et donc il faut maintenir l'idée du 6 salles que monsieur Cuffini aime tant qu'il a supprimé l'escalator puisqu'il se soucie effectivement du public : "ils monteront les marches, ils les descendront !" Le projet économique du 6 salles a été une véritable catastrophe, une stratégie dramatique.
Je voudrais terminer en disant que la situation actuelle est liée au refus obstiné de madame Voynet de s'occuper du cinéma. Pendant deux ans, elle n'a rien dit dans tous ses programmes sur le 6 salles. Et lorsque j'ai eu le plaisir de la voir en entretien particulier, mandaté par Renc'Art au Méliès, elle me disait — pour revenir à ce qu'on disait à propos des débats — elle me disait : "moi, les débats, je n'en ai rien à faire ! Ça m'emmerde, les débats ! Je ne veux pas entendre pendant deux heures ce que j'ai compris, moi, en 10 minutes." C'est clair !. Donc, voilà où nous en sommes : nous avons la nécessité, jusqu'à l'inauguration du 6 salles, de nous battre sur Montreuil et de refaire une mobilisation aussi importante, mais d'un genre différent, que celle que nous avons pu faire contre UGC et MK2.

Une personne dans l'assistance
Je voudrais faire un aparté sur le cinéma africain. Il a été montré bien des fois, avec l'équipe historique, que ce soit Bénédicte, Marie ou Stéphane, qui n'hésitaient pas à montrer du cinéma africain. Mais l'Afrique, c'est un continent, il faut parfois le rappeler, c'est très grand. Pour parler des petits distributeurs, on a un distributeur qui est génial, qui s'appelle Pod-film, qui distribue énormément de cinéma africain et notamment de films d'animation : un cinéma de très bonne qualité qui, sans lui, ne serait pas diffusé en France. Ce travail était largement entamé par l'ancienne équipe.
Ensuite, pour faire la transition avec la troisième table ronde, n'oublions pas qu' il y avait dans le projet du 6 salles, débat autour d'un espace pédagogique qui avait une double fonction : d'une part d'accueillir les enfants, avoir des animations spécifiques pour les enfants, des ateliers etc... ce qui se fait aujourd'hui dans les salles, mais c'est effectivement mal pratique, et d'autre part, la deuxième vocation de cette salle, c'était d'accueillir des ateliers de montage pour pouvoir, justement, travailler avec des lycéens.
Une dernière chose, sur la présence du jeu vidéo — Razzy Hammadi a parlé d'Ubisoft, sans le nommer — nous, on y pense et on y travaille depuis au moins deux ans. C'est en route ; nous sommes contents de le voir réaffirmé par les spectateurs ; ça fait un moment, en fait, que nous y travaillons.
Stéphane Goudet ne révèle pas de secret en disant que l'enjeu de la salle pédagogique permettant de travailler de ses propres mains à la fabrication du cinéma était vraiment de créer le pendant qu'évoquait Claire Pessin-Garric tout à l'heure entre l'acte de voir pour les spectateurs et l'acte de fabrication. Cet enjeu a été balayé par l'élu à la Culture,qui a dit en plein Conseil municipal que c'était un caprice du directeur.
Je voudrais juste dire, au nom du C'ism et à propos du coût de fonctionnement du cinéma, qu'un cinéma municipal c'est une volonté politique et que la Culture ça coûte de l'argent et que ça en rapporte. Non seulement ça en rapporte, mais, plus on investira, plus ça en rapportera, pas uniquement quantitativement, mais aussi qualitativement et , vraiment, réduire le coût de fonctionnement à l'impossibilité de faire le 6 salles, c'est des pratiques politiques d'un autre âge ou d'une autre pensée.

Une personne dans l'assistance
Je voulais attirer l'attention sur le fait que le théâtre qui se trouve juste en face du futur cinéma accueille, pour une large partie de son public, des collégiens accompagnés de leurs professeurs très souvent. Par exemple énormément de classes ont défilé pour Hamlet. Je suis absolument persuadé que, avec une bonne préparation, le futur 6 salles pourrait être ouvert, de la même façon que le théâtre, à des classes de collège accompagnées de leurs professeurs qui les auront préparées au film suivi d'un débat, d'une explication, comme il y en a eu.
D'autre part, je pense qu'on pourrait aussi refondre les Écrans philosophique qui ont disparu dans le naufrage, pour les ouvrir à des classes de philosophie. Car apprendre à lire un film c'est tout aussi important que d'apprendre à faire de l'explication de texte ou de commenter un texte de philosophie. Il y a eu beaucoup de débats, ceux animés par Stéphane Goudet, mais également d'autres et notamment des Écrans philosophiques, dont j'ai énormément regretté qu'ils n'aient pas été spécifiquement dirigés vers des lycéens : c'est un lieu pédagogique très important.

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