TABLES RONDES DU 30 NOVEMBRE 2013 1/3
Avenir d’un cinéma municipal et de son personnel dans la construction du Grand Paris.
Ouverture par
Marie-Madeleine Cornières, présidente de Renc'art au Méliès
Bonjour à tous et à
toutes et merci d'être venus débattre avec l'association Renc'Art
au Meliès du projet culturel de notre futur cinéma « Six
salles ». Nous avons voulu organiser ce débat pour vous donner
la parole. Comme nous allons avoir un nouveau maire, celui-ci ou
celle-ci fera sans doute redémarrer le chantier et un nouveau cinéma
va ouvrir mais la population n'a pas pu s'exprimer sur ce qu'elle
voulait ni sur comment elle voyait ce nouvel équipement.
En effet madame Voynet,
grande fervente de la démocratie, a refusé à plusieurs reprises de
réunir le Conseil du Cinéma, comme on le lui avait demandé
plusieurs fois, et n'a pas non plus impulsé avec la population le
projet culturel de ce futur cinéma. Et ce ne sont pas les quatre
pseudo-"cafés culturels" qui auront changé la donne : en
effet, à part un effet d'annonce sur l'avenir du cinéma il n'y fut
guère question de projet culturel. A l'une de ces réunions, au café
le Mori'Bar, nous étions en tout 24 : 5 personnes de la Mairie,
10 personnes de Renc'art et du personnel du cinéma, soit moins d'une
dizaine d'habitants du quartier des Morillons : on ne peut pas dire
que ça ait eu un franc succès. D'ailleurs, la directrice du cinéma
actuel nous a dit qu'elle n'était pas là pour parler du projet
culturel ; nous sommes donc repartis sans savoir rien du futur
projet. Lors du café sur l'accessibilité, les participants se sont
entendu dire que tout était déjà finalisé et donc « circulez,
il n'y a rien à voir ». Nous n'avons pas encore de
compte-rendu de la rencontre avec les bébés à la crèche sur le
toit !
Au mois d'octobre,
l'association a rencontré Monsieur Cuffini, maire-adjoint en charge
de la Culture, et nous avons demandé à nouveau un grand débat avec
la population sur le projet culturel ; il nous a dit qu'il n'en était
pas question, que le projet serait simplement présenté à un
conseil municipal, soit en décembre soit en début d'année, mais
avec le retrait de Dominique Voynet les choses vont peut-être
changer… Le projet ne sera peut-être pas abordé du tout avant les
prochaines élections.
Lors de notre débat du 8
juin, nous vous avions annoncé ce deuxième débat. L'avenir de
notre Méliès, de son fonctionnement, de sa programmation, de son
public, c'est trop important pour ne pas en discuter avec vous, avec
les responsables politiques de la Ville, avec les futurs candidats
aux municipales, avec les professionnels du cinéma et les
différentes associations concernées par le sujet. Nous allons
organiser cet après-midi autour de 3 tables rondes, avec des
intervenants et une grande place au débat avec l'assistance. Avant
de passer la parole aux intervenants, je dois excuser Dominique
Cabrera et Robert Guédiguian.
Le
premier thème que nous avons choisi pour ce débat est "L'avenir
du cinéma municipal dans le futur Grand Paris". Pour l'animer,
autour de moi, monsieur le député Razzy Hammadi, monsieur Gaylor Le
Chéquer, élu au conseil municipal qui a beaucoup travaillé sur le
Grand Paris, et Maëlig
Cozic-Sova, représentant du personnel du
cinéma — puisqu'on ne peut débattre de l'avenir du cinéma sans
parler de l'avenir de son personnel, et bien sûr de la réintégration
des personnels injustement sanctionnés.
Table
ronde n°1
Avenir
d’un cinéma municipal et de son personnel dans la
construction du Grand Paris.
Les projets
gouvernementaux en l’état actuel des choses remettent en cause les
Communautés de communes au profit d’une superstructure englobant
Paris et les villes de la première couronne. Au regard de ses
enjeux, quelle place pour un cinéma municipal comme le Méliès ?
Doit-il revenir dans le giron de la Ville ou partir dans la structure
du Grand Paris ?
Cela pose bien
sûr la question du financement de l’équipement et de son
fonctionnement, mais aussi de l’avenir pour le personnel du cinéma.
Comment retrouver l’équipe injustement licenciée ?
Maëlig
Cozic-Sova projectionniste au Méliès intervenant pour l'équipe
Razzy
Hammadi député de Montreuil/Bagnolet
Gaylord
Le Chequer élu municipal spécialiste des questions du Grand Paris
Razzy Hammadi,
député de
Montreuil-Bagnolet
Je vais essayer de rester
relativement bref pour laisser du temps au débat. Je suis heureux
d'être ici à l'invitation de Renc'Art au Meliès qui, tout comme
Gaylord Le Chéquer, seul élu à l'avoir fait, m'a interpellé sur
la question du Grand Paris. Mais le débat que nous avons là —
nous en sommes d'accord et j'ai pu échanger avec Renc'art, avec qui
nous avons de fréquentes occasions de nous rencontrer, d'échanger,
discuter, de débattre, de revendiquer — ce n'est pas le débat sur
le Grand Paris. C'est, dans la situation actuelle, la place pour un
service public de proximité culturelle qui est le cinéma Le Meliès.
Je partirai de deux
choses :
D'abord, quelle est la
situation aujourd'hui ? Aujourd'hui nous avons un équipement, le
nouveau Méliès, financé à 50 % par la Communauté
d'agglomérations et à 50 % par la municipalité puisque la décision
de construction de ce nouvel équipement a été votée avant la
constitution de la Communauté d'agglomérations. Pour autant, si la
Communauté d'agglo est compétente sur la construction, c'est la
municipalité qui reste compétente sur la maîtrise d'ouvrage. Et
aujourd'hui, ce qu'on entend c'est que, si jamais les travaux
devaient commencer demain matin à 8h, le cinéma ne serait pas livré
avant le premier trimestre 2015.
Ensuite, l'ensemble de
ces sujets sont — Marie-Madeleine, vous parliez de démocratie et
vous aviez raison — "assez dérangeants" et c'est un
euphémisme, parce que, quand on parle d'une infrastructure avec des
fonctions de diffusion, de création, de production, d'échange et de
partage sur le territoire par le service public de proximité qu'est
le Méliès, c'est un peu dommage qu'on n'ait pas aujourd'hui toutes
les données. Je le redis encore — et c'est la loi — la maîtrise
d'ouvrage sur le futur établissement dépend de la municipalité.
Encore un mot avant
d'aborder le Grand Paris et je suis très content de pouvoir le dire
devant l'association Renc'Art au Méliès : il y a le domaine du
possible, qui est libéré par les échéances électorales quels que
soient les partis ou les candidats, et il y a ce que l'on peut faire
en se battant au quotidien. Quand nous nous sommes rencontrés avant
l'été avec Renc'art, vous avez eu 2 revendications fortes : la
première, l'établissement d'un Conseil du Cinéma à l'échelle de
l'agglomération, parce que nous n'arrivions pas à le reconquérir
au niveau municipal — et je suis heureux de savoir que, après que
nous ayons été les premiers à le demander, au dernier Conseil de
l'agglomération a été décidée et votée la mise en place d'un
Conseil du Cinéma à l'échelle de l'agglomération ; ce
Conseil du Cinéma mérite maintenant d'être précisé, d'être
nourri dans son contenu et c'est le rôle du combat citoyen et
démocratique. La structure est là. Maintenant à nous de lui donner
un contenu. C'est en prenant acte qu'on n'arrivait pas le faire au
niveau municipal qu'est venue l'idée de le revendiquer au niveau de
la Communauté d'agglo. Et la seconde revendication, qui est tout
aussi importante, c'est de pouvoir avoir une discussion avec la
Communauté d'agglomérations avant l'élection municipale ; dès
le mois de novembre le principe d'une rencontre au mois de janvier
prochain a été arrêté.
Venons-en au Grand Paris
et au service public municipal de proximité que peut être un cinéma
municipal. Aujourd'hui, dans la loi, dans les textes, rien ne définit
quelle sera la place de ces services publics municipaux. À ce stade,
il y a une mission de préfiguration qui va aller de 2014 à 2017
dans le cadre de l'élaboration du Grand Paris pour déterminer, dans
le cadre de ce qu'on appelle le « chef de filat » —
c'est très technique — grosso modo les compétences sur lesquelles
s'affirme chaque échelon ; ceci inclut l'autorité de
collectivités sur un service public municipal tel que celui dont
nous parlons ici. Aujourd'hui il n'y a rien d'arrêté, ni dans le
texte ni dans les débats, mais je défends plutôt la position de
Gérard Cosme qui est d'avoir une communauté d'agglomérations chef
de file et c'est sur ça que je crois que l'on doit pouvoir
rassembler largement, au-delà des sensibilités politiques.
La compétence
d'agglomération dans le cadre du Grand Paris ? Aujourd'hui il y a
une volonté de mutualisation d'un certain nombre de politiques à
l'échelle du Grand Paris. On peut être pour, on peut être contre.
Moi je considère que, quand on mutualise, ce sont ceux qui sont le
plus dans le besoin qui bénéficient de la mutualisation. Et quand
je regarde Paris et la première couronne, je suis tenté de penser
que ceux qui peuvent avoir le plus besoin de la mutualisation ce sont
bien des territoires comme les nôtres.
Se pose ensuite la
question de savoir comment porter avec force, détermination et
conviction un projet culturel public municipal tel que Le Méliès
dans le projet du Grand Paris. Ça ne se limite pas au service public
municipal du cinéma ni à l'infrastructure que sont les murs, les
écrans, la projection et la salle de visionnage ; cela touche
l'ensemble de la politique publique.
La question est — et je
conclurai sur ce point, pour laisser de la place au débat —
comment on relie le service public du cinéma à la réforme sur
l'enseignement supérieur et la recherche par exemple, qui intègre
les services publics municipaux locaux à des politiques globales de
territoire c'est-à-dire comment on associe demain dans cette
bataille culturelle des contenus nos lycées, notamment Condorcet qui
a des compétences au niveau du graphisme, des arts graphiques,
l'IUT, l'institut universitaire que nous avons ici à Montreuil, la
professionnalisation, la formation dans ces domaine, bref comment on
associe l'Éducation et le Cinéma public. Le cinéma fait partie de
notre histoire, de notre patrimoine, avec des enjeux économiques.
Aujourd'hui, nous avons des proximités fortes entre les richesses
existant sur notre territoire. Je citerai notamment le deuxième
éditeur de jeux vidéo européen, troisième mondial : des
interactions sont possibles au niveau du cinéma. Nous avons une vie
associative forte : nous devons faire en sorte que ce service public
municipal soit aussi une politique locale à l'échelle de
l'agglomération. Je pourrais développer sur la politique culturelle
mais nous le ferons dans le débat.
Reste une question qui
est posée très justement par les agents, par les usagers et, je
crois, défendue unanimement dans cette salle, c'est le statut de la
structure et le débat qui peut exister demain sur le primat du
public sur le privé. Mais là je dirai une chose très simple : on a
pu voir par le passé, mais également actuellement, que le statut
municipal ne préservait pas par lui seul la nature publique de la
structure et que les risques existaient alors même que le débat sur
le Grand Paris n'existait pas.
Je crois que le service
public municipal local du cinéma Le Méliès doit être préservé.
Je crois que dans le Grand Paris nous ne devons pas avoir peur, nous
recroqueviller, mais au contraire nous placer au cœur d'une
politique culturelle à l'échelle de l'agglomération, qui fasse de
Montreuil une capitale de la politique cinématographique parce que
nous en avons l'héritage, l'histoire. Je crois que nous devons nous
doter d'un avenir en phase avec cela, que les conséquences positives
ont à voir avec la culture, l'emploi, le développement économique,
la vie associative et qu'on doit s'en saisir, bref j'y vois une
opportunité qui appelle une vigilance mais surtout beaucoup de
conviction notamment sur les problématiques de statut, de défense
du caractère public mais aussi, bien sûr, du contenu démocratique.
Le fond et la forme sont liés parce qu'il n'y aura pas de nouveau
Méliès vivant et partagé, comme il n'y aura pas de politique
locale vivante et partagée à ce niveau ou au niveau du Grand Paris,
sans la participation des agents, des citoyens et des usagers.
Marie-Madeleine Cornières :
Je vais me faire l'avocat
du diable ! On est aujourd'hui dans une situation terrible. Le
Méliès a perdu plus de 40 % de sa fréquentation ; économiquement
on a perdu aussi, le manque à gagner en termes de recettes est
énorme. Alors demain, un futur six salles, pour une commune, est-ce
que ce n'est pas beaucoup d'argent ? est-ce que Montreuil aura les
moyens de supporter de tels coûts de fonctionnement ? en sachant
qu'en même temps, l'État diminue fortement les dotations qu'il
donne aux communes, ce qui pose beaucoup beaucoup de questions sur
l'avenir du service public. En même temps un cinéma municipal comme
le nôtre englobé dans une infrastructure régionale telle que le
Grand Paris n'y perdra-t-il pas son âme ?
Gaylord Le
Chéquer,
élu municipal de
Montreuil
D'abord je veux remercier
Renc'art pour cette initiative.
Razzy Hammadi l'a dit :
nous avons été un certain nombre à interpeller le député ou la
municipalité pour qu'un débat sur le Grand Paris puisse avoir lieu,
parce qu'il nous semble que l'impact de ce projet, s'il va à son
terme — il semblerait, quand on entend les propos de Razzy, que la
détermination de la majorité gouvernementale et parlementaire aille
dans ce sens — que l'impact sera réel sur la vie quotidienne des
gens et que c'est un sujet parfois complexe mais qui, quand on le
décline à l'échelle d'une collectivité, est tout à fait
compréhensible.
C'est assez amusant que
ce débat puisse avoir lieu à travers le Meliès et c'est peut-être
quelque part un peu symptomatique de la situation à Montreuil. En
tout cas moi j'en suis ravi.
Razzy l'a dit : nous
l'avons interpellé ; il a répondu et nous avons acté nos
divergences sur ce sujet comme sur d'autres sujets.— mais je te
corrige, Marie-Madeleine, je ne suis pas un spécialiste du Grand
Paris, je suis un militant politique local, un conseiller municipal,
qui essaie de se questionner sur ce gros machin qui est en train de
nous arriver droit dessus. À mon sens derrière le Grand Paris il y
a deux questions fondamentales, au-delà des questions techniques
dans lesquelles on se perd assez rapidement : la première est de
savoir si le Grand Paris tel qu'il se dessine répond à la question
du renforcement des services publics ou pas. Deuxièmement est-ce que
ce Grand Paris renforce la démocratie, à tous les échelons, que ce
soit à l'échelon de la commune ou à l'échelon de la gouvernance
de ce Grand Paris ? Dans cette salle il y a un certain nombre de
mes collègues du Conseil municipal de tous les groupes, il y a des
conseillers généraux et régionaux, et je dois dire que pour la
plupart des élus, Razzy, la façon dont tu as présenté les choses
ne va pas dans le sens de ce que beaucoup d'entre nous ressentons et
que nous voyons au quotidien. J'en veux pour preuve notamment la
déclaration de l'association des maires de France qui pointe le fait
que cette construction n'est pas une construction ascendante,
c'est-à-dire une construction qui part des dynamiques de
territoires, mais qu'elle part plutôt de la mise en place d'un
outil, d'une structure complexe, avec 200 personnes représentant les
124 villes du Grand Paris, qui seraient amenées à gouverner un
territoire de plus de 6,7 millions d'habitants. Quand on ramène la
question à notre débat d'aujourd'hui, on peut s'interroger sur la
place par exemple d'un Conseil du cinéma dans cette grande structure
qui serait donc amenée — puis que la loi le prévoit dans un de
ses articles, l'article 32 — à récupérer un certain nombre de
responsabilités, notamment concernant la Culture. Avec un Conseil du
cinéma local à l'échelle d'un territoire regroupant 6 millions
d'habitants, vous comprenez bien que les petits Montreuillois que
nous sommes seront vite aspirés en disant "mais c'est qui ces
espèces de Gaulois qui font de la résistance avec leur cinéma, qui
veulent investir le débat sur le projet ? et cætera". Et
je pense d'ailleurs que la façon dont les choses se dessinent montre
bien que la volonté du gouvernement n'est absolument pas d'aller sur
un renforcement des services publics. D'ailleurs — c'est là où,
pour nous, ça cloche, et on l'a vu, Razzy, en toute amitié, dans la
façon dont tu le présentes — on ne peut pas prendre comme point
de départ la question du financement. La question du financement est
une chose ; là on était sur la question de l'appropriation
citoyenne : comment on fait vivre un cinéma particulier ?. Moi,
la conviction que j'ai pu acquérir, y compris par les
interpellations dont on parle, c'est que, telle qu'elle se dessine,
cette construction du Grand Paris affaiblit les services publics dans
leur ensemble ; que tout ce qui est en train de se mettre en place
—et je vous renvoie à l'article du Monde de vendredi — fait la
démonstration qu'il y a un souci dans la majorité actuelle relatif
à la dépense publique et que l'on considère que les services
publics, en particulier ceux qui dépendent des collectivités,
seraient ultra dépensiers. Par conséquent, on est en train de
mettre des tours de vis. Et donc, à terme, vient la question des
financements en direction des collectivités, les financements pour
des cinémas qui n'entrent pas dans un cadre normé. Le cinéma le
Méliès n'est pas n'importe quel cinéma : c'est le fruit d'une
histoire, c'est le fruit d'un investissement qui est le vôtre ;
c'est le fruit de batailles successives. Cette réalité là, dans un
projet de Grand Paris qui se construirait par le haut et non par le
bas, ça disparaîtra. On tendra vers une normalisation.
A propos de la
démocratie- je salue le travail fait par votre association et le
collectif indépendant -, on a toujours veillé à ce que les élus
que nous sommes soient à leur place : non pas à votre place, mais à
notre place, à vos côtés, en utilisant les tribunes qui sont les
nôtres, en étant attentifs à ce que vous dites, en faisant nôtres
vos combats lorsque nous les partageons, en vous disant aussi lorsque
nous pouvons diverger. Un point très clair : les élus du Front de
Gauche dans leur globalité ont dit, depuis le départ, être en
désaccord avec le transfert du cinéma Le Méliès à
l'intercommunalité. Pourquoi ? D'abord, le cinéma était à terre :
on ne livre pas à une communauté d'agglomération, qui va
disparaître dans le cadre du Grand Paris, une équipe affaiblie,
sans projet… Non. On voulait garder cette maîtrise-là. Donc,
notre position est claire : nous sommes pour un retour dans le giron
municipal du cinéma et de son équipe, nous voulons travailler à
une consolidation et une sécurisation du projet du Méliès et,
alors seulement, nous nous poserons la question de savoir si oui ou
non nous sommes prêts à pouvoir transférer cet équipement vers
une communauté d'agglomérations ou à le laisser partir sur le
Grand Paris. Je vous rappelle que, dans le cadre des
intercommunalités, des villes comme Bobigny ont refusé de
transférer un certain nombre de leurs équipements. Donc
techniquement, légalement parlant, nous pouvons le faire. Ce sont
des choix politiques qui n'ont pas été faits par la majorité
sortante. Quelle que soit, comme dit Razzy, la future majorité, il
faudra pendant cette campagne électorale questionner chacun. Nous,
notre position est claire : on rapatrie dans le giron municipal.
Marie-Madeleine Cornières
:
Il y a derrière tous ces
mots des gens qui travaillent tous les jours au Méliès dans des
conditions très difficiles depuis un an, que je salue, que je
remercie, que je soutiens parce que je sais que ça n'a pas été
facile. J'espère que vous irez vers des lendemains qui vont chanter
un peu mieux et je vais passer la parole au représentant des
salariés du Méliès parce que, quelle que soit la future
construction, on ne pourra pas parler d'un futur cinéma sans parler
de son personnel. Merci à l'équipe du Méliès de nous donner son
point de vue
Maëlig Cozic-Sova,
projectionniste au
Méliès intervenant pour l'équipe
Je suis projectionniste
au Méliès depuis quelques temps. Marie-Madeleine parlait d'un an de
lutte, c'est plutôt fait deux ans en fait, dont un vraiment intense,
vraiment difficile, où on est passés par tous les états possibles
et d'ailleurs on n'aurait pas tenu sans vous, sans le soutien des
politiques, des citoyens, de l'association Renc'Art au Méliès : un
grand merci, je ne sais pas comment on aurait fait sans vous ! Votre
position était vraiment unanime, quelque groupe que ce fut — je ne
sais pas si madame Laporte s'est vraiment positionnée, les
politiques de gauche oui.
Aujourd'hui rien n'est
résolu, nous sommes toujours en grande difficulté. Ceux qui sont
passés récemment au cinéma ont pu constater la dégradation des
locaux qui est une vraie catastrophe ; on a du mal à fonctionner au
quotidien, tout simplement. On a distribué un tract en désespoir de
cause, récemment, qui pointait les dysfonctionnements très
techniques, très factuels, qu'on a pu vivre ces dernier temps au
cinéma, tels que des toilettes bouchées en permanence, des bouchons
de radiateur qui ne fonctionnent pas… Au quotidien, le cinéma ne
fonctionne plus à l'heure actuelle : on fait tout ce qu'on peut
pour que ça marche, mais c'est difficile de travailler sérieusement.
Ensuite, c'est difficile au niveau du projet : on est ballotté
depuis deux ans à peu près, Est-Ensemble ou pas ? Grand cinéma
ou pas Grand cinéma ? est-ce qu'on reste là pour 1 an ?
pour 6 mois ?… On navigue à vue complètement. Il y a eu des
réunions (quand on est assis ensemble autour d'une table, c'est une
réunion) autour de ce fameux projet culturel auquel on devait
participer mais ça a été une vraie mascarade ; on ne va pas se
mentir là-dessus, même en interne, tout le monde se rend bien
compte qu'on n'a pas été consultés, on n'a pas construit ensemble
ce projet, alors que le travail avait démarré avec l'équipe
historique du Méliès, d'une manière vraiment sérieuse. Donc,
maintenant, c'est vraiment très difficile, psychologiquement, de
tenir la barre, de rester professionnel dans un contexte extrêmement
hostile, quand des rapports sont faits sur tel ou tel. Mais
psychologiquement, on est solidaires, on se serre les coudes, on
tient. Et encore une fois, notre revendication a toujours été la
même depuis le début ; on l'a dit devant toutes les instances que
ce soit la maire, la direction générale, nous demandons la justice,
la réintégration de nos collègues qui ont été évincés du
cinéma d'une façon absolument scandaleuse. Ça toujours été très
clair.
À propos du Grand Paris,
on n'en est vraiment pas là, on a la tête dans le guidon, on essaie
de survivre. Je dirai cependant deux choses.
La première: quel est le
rôle du personnel dans un cinéma municipal ? Nous avons été
amenés à nous poser ces questions surtout avec l'ancienne équipe :
quand on est agent d'accueil dans un cinéma municipal, quand on est
caissier ou projectionniste dans un cinéma municipal, programmateur
ou comptable ou directeur artistique, etc. il y a des choses que l'on
ne fait nulle part ailleurs. Ce n'est pas un statut associatif, ce
n'est pas un statut privé, on a chacun un rôle à jouer dans la
médiation culturelle, dans la défense d'un certain cinéma. Nous
avons toujours revendiqué le fait qu'il y ait un certain statut en
tant que fonctionnaire, en tant qu'agent, avec des règles qu'on
dépasse régulièrement à l'invite des spectateurs qui nous
demandent par exemple des renseignements sur les films. Il n'est pas
marqué dans notre contrat qu'on doit être aimables, il n'est pas
marqué dans notre contrat qu'on doit inviter des gens à la
découverte des films qu'ils ne verront pas ailleurs, qu'on doit
montrer des films que de petits distributeurs se battent pour sortir
et il n'y a en fait que le Méliès pour montrer ces films-là. Vous
avez pu avoir d'ailleurs les témoignages de réalisateurs et de
distributeurs qui démontraient l'importance d'avoir un cinéma comme
le Méliès tel qu'il a pu programmer avant. Et nous avons toujours
revendiqué d'être impliqués, de faire partie du projet ; nous ne
sommes pas des engrenages dissociés du projet ; on participe au
projet, on incarne en quelque sorte le projet, il est donc vraiment
important qu'on soit associés à sa rédaction puisqu'on va le
porter tous les jours. Pour nous c'est fondamental.
La deuxième chose c'est
que le personnel n'est pas intégré pour l'instant à Est-Ensemble
parce que c'était la volonté de Madame Voynet d'attendre
l'ouverture du futur six salles. Aujourd'hui on ne sait pas du tout
où on en est et on a tout à fait le temps pour pouvoir discuter
tranquillement avec la nouvelle municipalité de ce que sera notre
intégration ou pas, comment on va la négocier, si le Grand Paris
arrive six mois après le transfert à Est Ensemble est-ce que ça
vaut le coup ou pas, etc.
Pour faire un peu la
synthèse entre ce qu'ont dit monsieur Hammadi et Monsieur Le
Chéquer, autant Est-Ensemble doit être très fort s'il doit entrer
dans le Grand Paris, autant le Meliès doit être fort pour entrer
dans Est-Ensemble. Ce n'est pas du tout le moment d'évoquer à la
va-vite l'intégration du personnel dans Est-Ensemble. On a tout à
fait le temps d'en parler, de réunir les acteurs, on peut en
discuter et fabriquer un projet, une fois que la réintégration de
l'équipe sera actée et effective, puisque c'est le préalable à
toute discussion.
Razzy Hammadi
(qui doit quitter la
table ronde pour rejoindre le Salon du Livre de jeunesse)
On doit tout de suite des
réponses aux personnels. Moi, je suis député, je ne suis pas élu
à Est-Ensemble, mais en même temps, quand on s'engage on n'est pas
là simplement à brasser de l'air, mais on essaie aussi d'aller
porter ses convictions et d'aller chercher des réponses. Ça a été
le cas quand Est-Ensemble n'a pas porté plainte et ceux qui sont
concernés savent ici de quoi je parle.
Deuxième chose, sur le
personnel, moi je rejoins totalement ce que vous venez de dire. Je ne
connaissais pas votre position. La convention signée entre la
municipalité et la communauté d'agglo pour que le personnel reste
au niveau de la Ville prend fin au 1er janvier 2014. Je
pense qu'il faut travailler ça sérieusement : légalement il est
possible d'avoir un report de six mois ou d'un an. Je plaide pour le
report de six mois, ce qui nous mène juste avant l'été et donne
trois mois avec une nouvelle municipalité pour discuter avec le
personnel, comment, quelle participation, quelle mission, etc.
Sur ce qu'a dit Gaylord,
et j'en terminerai par là, il faut qu'on soit précis, avec toute
l'amitié que je te dois : il s'agit de textes de loi, il s'agit
d'une collectivité, le Grand Paris, il s'agit d'un service public
municipal, et on ne peut pas seulement porter le débat en parlant de
"Grand Machin, réduction des dotations, conséquence :
suppression du service public municipal", donc on s'oppose. Moi
je pense que le débat public doit permettre de débattre , certains
sont pour le Grand Paris, d'autres sont pour le Grand Paris mais à
certaines conditions, et d'autres sont contre. Et moi, je suis pour
le Grand Paris et je suis pour une affirmation forte de ce que nous
sommes et de ce que le Méliès est dans la construction de ce Grand
Paris. Ensuite, la mission de préfiguration permettra de déterminer
quel est le bon échelon. Moi je plaide pour l'échelon de la
communauté d'agglomérations qui ne va pas disparaître puisqu'elle
sera remplacée par le Conseil des territoires. Mais lorsqu'on dit
"c'est scandaleux parce que 200 personnes vont gérer l'avenir
de 6 à 7 millions de personnes", on oublie qu'à la Région,
aujourd'hui, il y a 10 millions d'habitants et il y a tout autant
d'élus ! Je rappellerai, à propos des services publics, que, quand
on a transféré les lycées aux Régions, on avait eu des débats à
la veille de ce transfert. Tout le monde criait " Scandale ! on
va transférer les lycées aux Régions ! les lycées vont
s'autodétruire, ils vont s'effondrer !". La première décision
qui a été prise a été coordonnée à travers la vingtaine de
Régions qui constituent notre Nation, ça a été un grand plan de
rénovation des lycées avec plusieurs milliards d'euros
d'investissements. Donc je pense que le débat sur le Grand Paris, ça
fait 10 ans qu'il a lieu ; le débat qui arrive quant au niveau de
démocratie, je pense qu'il faut le mener et se battre...
Patrice Bessac
Je suis conseiller
régional d'Île-de-France et j'ai l'honneur de conduire la liste de
Montreuil-Avenir et du Front de Gauche avec notamment l'ami Gaylord
Le Chéquer. Je voulais réagir tout de suite parce que j'ai un
problème dans ce débat. Nous allons voter ; le suffrage universel
direct va parler ; il y a des majorités nouvelles qui vont se
dégager, notamment à Montreuil ; et moi je crois qu'il faut
entendre quelque chose — et je pourrais dire la même chose sur les
rythmes scolaires — c'est qu'il y aura un moment avant l'élection
et un moment après l'élection. Et ce que les gens auront dit en
votant, ça devra être entendu. Car l'État ne peut pas nous dire,
par exemple en matière de rythmes scolaires, "faîtes faîtes
faîtes vite !" et en même temps, ne pas donner les moyens de
la mise en œuvre. Et sur le Grand Paris — et je vais en venir à
la question du Méliès — une machine bureaucratique vient de se
mettre en œuvre. Mais quelque chose d'aussi important que le Plan
Local d'Urbanisme ne peut pas être décidé par 200 personnes à
l'échelle d'une agglomération de 6 millions et demi d'habitants !
Nous l'avons vu à Montreuil, le Plan Local d'Urbanisme est une
affaire qui concerne les Montreuilloises et les Montreuillois. Et
donc, dans le rapport au Grand Paris — et c'est toute la tradition
de Montreuil — nous ne pourrons pas simplement dire, le petit doigt
sur la couture du pantalon, "nous obéissons" : nous
devrons agir pour mettre en place des processus démocratiques
permettant aux habitants de reprendre leur vie en main.
Et de ce point de vue,
j'en arrive au Méliès. Je pense que le message est extrêmement
clair. En matière culturelle, je disais aux salariés de la
bibliothèque des Morillons "Vous croyez qu'on va s'occuper de
vous au Grand Paris ?" La bibliothèque des Morillons ! Les
équipements culturels fondamentaux doivent être de la compétence
municipale. Il y a dans ce pays, dans la Constitution, le principe de
la libre administration des collectivités locales, la compétence
générale qui permettent de dire "nous reprenons en gestion
directe municipale le cinéma Le Méliès". Pourquoi ? Parce que
c'est lié au projet. On parle du "six salles", mais
croyez-vous qu'on remplira le "six salles" si on fait la
même politique qu'UGC ou MK2 ? Croyez-vous qu'on remplira le "six
salles" si c'est la gestion par en haut ? éloignée des écoles
? éloignée de la politique culturelle originelle du Méliès ? Non.
Si on veut réussir le "six salles", on est obligés de
repartir d'en bas, c'est-à-dire du rôle original que le Méliès a
toujours joué sur notre territoire. Une amie de Fontenay me disait
"il y a d'autres cinémas municipaux mais enfin sur le
territoire francilien, combien de cinémas ont l'histoire du Méliès
? Il y en a un ! et il s'appelle Le Méliès" et il faut le
préserver avec son histoire originale sur le territoire.
Mon dernier point, c'est
qu'une question de démocratie fondamentale est posée. Razzy
Hammadi, sur ce point, avait raison de le rappeler : il y a eu
plusieurs difficultés dans la gestion du Méliès jusqu'aux moments
qu'on est en train de vivre. Mais où est la solution ? La solution,
à mon avis, c'est de se dire tranquillement qu'il faut retrouver,
sur la base de l'originalité du projet, de l'intégrité de l'équipe
du Méliès, la capacité d'une gestion réellement démocratique
c'est-à-dire faire entrer les habitants, les associations, la ville,
les personnels, dans un Conseil du Cinéma d'un type nouveau qui aura
de réels pouvoirs.
On dit toujours "ça
n'est pas possible !" Moi, je remarque qu'à Montreuil, beaucoup
de choses qui, paraît-il, n'étaient pas possibles — je pense ici
à l'hôpital intercommunal de Montreuil, un certain nombre
d'épisodes qu'on a vécus — ,avec les mobilisations, ont été
rendues possibles. Et c'est ça que j'espère, une municipalité qui
ne soit pas seulement en position d'application de ce que sera la
future loi sur le Grand Paris, mais qui soit en position d'action,
d'innovation et de défense de ce que doit être sur le territoire le
projet culturel original du Méliès.
Jean-Pierre Brard
Je voudrais saluer
l'association et le personnel parce que ces batailles, comme d'autres
à Montreuil —rappelez-vous la cardiologie — n'ont pu avancer que
par la détermination des uns et des autres, chacun jouant son rôle
à sa manière. Nous, nous avons essayé d'accompagner modestement —
merci Axel — avec la brochure "Méliessez-vous" qui a été
diffusée à plus de 1000 exemplaires dans la ville et quand Axel a
travaillé là-dessus, c'était sur le mode « enchaîner les
éléments de preuves pour faire appel à l'intelligence des
Montreuilloises et des Montreuillois face à une injustice dont
Stéphane Goudet est devenu la victime emblématique » — mais
il n'a pas été la seule victime parce qu'il y a lui, il y a
l'équipe et il y a le Méliès lui-même.
Ensuite, je trouve que le
débat sur le Grand Paris n'est pas le vrai sujet aujourd'hui. Je
vais vous dire pourquoi : j'ai été député pendant 24 ans, et des
lois votées, j'en ai vu. Il y en a qui n'ont jamais été appliquées
parce qu'on ne passe pas sur le corps d'une population, dans ce cas
précis sur le corps des maires, si facilement. Les libertés
communales ont leurs racines dans le Moyen-Âge et vous voudriez
qu'en quelques semaines, comme ça, on efface les libertés
communales qui concernent 7 à 8 millions d'habitants ? C'est une vue
de l'esprit. Je ne sais pas qui a eu cette idée là — si, plutôt
je le sais : il est assis au perchoir actuellement, et c'est de là
que ça vient. J'avais la conviction déjà que le Grand Paris ne se
ferait pas et j'ai eu une conversation, avant-hier, avec le président
de l'association des maires de France qui me disait "ça ne se
fera jamais". J'ai également vu, dans le cadre de
l'intercommunalité, le député-maire du Perreux, il y a une sorte
de consensus à la buvette de l'assemblée : il y a des députés
qui votent pour le texte et qui a la buvette disent "mais ça ne
se fera jamais"... C'est comme ça que ça se passe !
Mais pour quelle autre
raison ce n'est pas un sujet, le Grand Paris, pour le Méliès ?
Est-ce que vous imaginez une "Große Paris" qui gérerait
même les cinémas de banlieue ? Mais enfin, on marche sur la tête !
Ça ne se fera pas, donc venons-en à l'essentiel. Je pense que
l'essentiel c'est : est-ce que le Méliès reste municipal ou est-ce
qu'il devient intercommunal ? Et s'il reste municipal, comment ?
Est-Ensemble ne marche
pas. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas eu de communauté de projets et
je fais partie de ceux qui travaillent à une nouvelle
intercommunalité qui repose sur une communauté de projets ;les
idées sont très avancées, il y a consensus entre les éventuels
futurs partenaires : en fonction de ce qui se passera au mois de
mars toutes les compétences de proximité seront rapatriées dans
les communes, cela va de la Propreté jusqu'aux Sports en passant par
la Culture en particulier.
Un mot, et ce sera
l'avant-dernier, sur le Conseil du Cinéma : il y a une façon
très simple de garantir l'avenir du Méliès avec son âme, son
identité et sa façon de faire, c'est une convention entre le
Conseil municipal et le Conseil du Cinéma où Renc'Art au Méliès
doit évidemment avoir sa place, où le personnel doit avoir une
place, où doivent être représentés les enseignants et les
professionnels du Cinéma. Ce n'est pas difficile : c'est une
question de volonté politique. Marie-Madeleine posait une question,
celle des moyens financiers : c'est tout à fait vrai. Si on a une
politique ambitieuse, il faut en avoir les moyens et un volet d'une
politique dans une ville ne peut pas ignorer les voisins. S'il n'y a
pas une redynamisation de la politique économique, compte tenu des
réductions drastiques des dotations aux communes, c'est impossible.
Et si on ne réimplante pas au moins une dizaine de milliers
d'emplois — c'est possible à Montreuil — il n'y aura pas la
ressource économique qui permettra de développer des politiques,
pas uniquement pour la Culture et le Méliès, mais des politiques
sociales audacieuses, sinon en augmentant les impôts mais les
Montreuilloises et des Montreuillois, comme les autres d'ailleurs,
n'ont plus rien sous la pédale ! Seul le développement économique
permet d'avoir les objectifs ambitieux sur le plan de la Culture
comme ailleurs.
Une
personne de l'assistance
Ce
qui me préoccupe c'est que le personnel d'un cinéma comme le
Méliès, dès lors qu'il est municipal, ne soit pas à la merci,
comme ça s'est passé, du maire. C'est un grand danger et je crains
que le rapatriement du Méliès dans la seule compétence de la
municipalité ne nous protège pas de ce risque, de nouveau, qu'un
conflit majeur débouche sur ce qui s'est passé.
Stéphane Goudet
J'ai reçu un message de
quelqu'un qui fait partie de l'équipe, quelqu'un qui ne pouvait pas
être là aujourd'hui — je ne citerai pas le nom — j'ai envie de
vous le lire par ce qu'eux aussi auraient bien aimé travailler avec
nous cet après-midi, à essayer de construire l'avenir. Ce message
dit ceci : "En un an, le Méliès est devenu un trou à
rats, crade et sans âme, pauvreté de la programmation, pauvreté
des débats, divorce consommé à jamais entre direction fantoche et
l'équipe, défiance installée pour toujours, totale incompétence
de la direction : la renommée du Méliès sera bientôt à l'image
de la décrépitude des locaux, voilà ce que j'aurais envie de dire
à cette table ronde, si je pouvais y venir..."
Une personne de
l'assistance
Question toute simple,
centrale, mais cruciale : comment fait-on, concrètement, pour
garantir l'indépendance de l'institution culturelle ? Comment
fait-on pour que le Méliès, le cinéma de Montreuil, échappe à la
mainmise d'une majorité municipale en place, quelle qu'elle
soit ? Et là, il ne suffit pas de dire qu'il y aura un
Conseil du Cinéma. Il me semble qu'il faut aller plus avant dans le
questionnement : comment seraient nommés les membres de ce conseil ?
par qui ? selon quelles conditions ? Ce sont des questions qui
sont parfois des détails, mais le diable est dans le détail.
Comment assurer concrètement l'indépendance du Méliès ?
Georges Bertrand
Moi je voudrais revenir sur le passé. En tant que Renc'Art au Méliès
nous avons vécu la crise et je dois dire qu'on a été extrêmement
surpris de ne trouver aucune aide du côté d'Est-Ensemble. Il faut
savoir que le cinéma à été transféré à Est-Ensemble depuis le
1er janvier 2012 et que toutes les décisions concernant
le Méliès se prennent donc avec l'aval d'Est-Ensemble. La Ville a
simplement mis ses services à disposition le temps que le personnel
soit transféré parce que c'est compliqué. Mais pour le reste, ça
ne change rien : le patron du Méliès depuis le 1er
janvier 2012 c'est Gérard Cosme. Il faut bien comprendre cela, c'est
important. Nous, nous sommes allés le voir et c'est là d'ailleurs
qu'il s'est engagé à créer un Conseil du Cinéma pour l'ensemble
de l'agglomération. Ça ne l'empêche pas d'avoir fait le Ponce
Pilate, il a dit "vous savez, il y a des enquêtes... je sais
pas...etc." C'est lui le boss et il ne sait pas ! Si on a la
crise du Méliès aujourd'hui c'est bien par une décision politique
d'Est-Ensemble et ça se sait — ce sont des choses qui ne se disent
pas dans les réunions, ça se dit à côté, en coulisses — ;
c'est simplement parce qu'il y a un accord entre le PS et les Verts.
Pour Gérard Cosme, il n'était pas possible de mettre en cause
directement la future ex-maire de Montreuil. Voilà pourquoi cette
chose a été possible. En se tournant maintenant vers l'avenir, la
question de transférer les équipements vers le haut, on s'aperçoit
que ce transfert n'a pas été du tout positif. Le cinéma estdans un
entre-deux, actuellement : la Ville de Montreuil et le Conseil
communautaire ont délibéré chacun pour dire que le personnel
serait transféré au plus tard le 1er juillet 2013 ; ils
n'ont pas re-délibéré depuis ; ils se sont assis, par décision
unilatérale de madame Voynet. Les délibérations sont la loi pour
les collectivités locales. Eh bien, monsieur Gérard Cosme et madame
Dominique Voynet disent « Bon... Le conseil communautaire a
décidé ceci, le Conseil municipal de Montreuil a décidé cela. On
n'en tient pas compte et on va retarder d'un an ce qui a été décidé
par les instances politiques des villes. » Là, il y a vraiment
un problème et ça m'amène à parler de l'avenir du Grand Paris
parce que ce qui nous a été dit n'est pas vrai ; on nous a dit
« la Communauté d'agglomérations devra être supprimée, cela
va être voté dans quelques jours. » En réalité, les
communautés d'agglomérations sont déjà supprimées. Elles vont
être remplacées par des Conseils de territoire dépourvus de
pouvoir, dépourvus de ressources propres, qui, par conséquent, ne
pourront faire qu'exécuter les décisions prises au-dessus d'eux ;
ils auront un rôle à jouer, c'est clair qu'ils vont pouvoir donner
des avis mais, sur les sujets importants, ils devront suivre les
décisions du Grand Paris. Et ça concerne directement le Méliès,
pourquoi ? Parce que, dans la loi, il est dit que toutes les
compétences transférées au comité d'agglomération partent à la
métropole automatiquement. Donc le Méliès va partir à la
métropole sauf si, effectivement, la loi est enterrée derrière,
suite aux élections municipales. Ça n'est pas impossible, mais ça
dépend beaucoup des résultats aux élections. Vous voyez ce qu'il
faut faire ? Il faut apporter un désaveu important à ceux qui
soutiennent ce projet du Grand Paris, sinon, on y aura droit : la loi
sera appliquée. Et si elle est appliquée, le Méliès va monter à
la métropole. Ensuite, peut-être, dans un délai de deux ans, la
métropole pourra, de son propre chef, si elle le décide, si elle le
veut bien, faire redescendre le Méliès non pas au niveau du
territoire puisque les territoires n'auront pas de compétences,
qu'ils ne seront pas équipés pour gérer les équipements, mais au
niveau de la commune. C'est prévu dans le texte, les communes
pourront récupérer une partie des compétences qu'elles ont
transférées aux communautés d'agglomération si la métropole le
décide. Voilà ce qui est prévu et je crois qu'il est important de
le savoir car quand on écoute le député on ne comprend pas tout à
fait ça mais il faut regarder les textes.
Bélaïde Beddredine
Moi je suis conseiller
général. Le problème pour moi, c'est qu'on ne parle jamais des
statuts des personnels des collectivités territoriales, que ce soit
des municipalités, des conseils généraux, des conseils régionaux,
des intercommunalités, par rapport à tous ces déplacements, toutes
ces fusions — il y a le problème du COS à Montreuil, c'est le
service qui s'occupe des œuvres sociales des personnels — on
ne peut pas continuer à dire "on va vous balancer, on va vous
reprendre, on va vous faire partir..." À un moment, il va
falloir travailler par rapport aux lois d'Anicet Le Pors sur un
statut des agents territoriaux quel que soit l'échelon qui les
emploie, pour qu'ils aient les mêmes droits et les mêmes salaires :
je ne suis pas sûr que des salariés qui sont partis à Est-Ensemble
soient prêts à revenir à Montreuil parce que le régime
indemnitaire n'est pas le même : ils
sont mieux payés à Est-Ensemble qu'à Montreuil. Cette question-là,
il faudra aussi la poser avec les salariés. Ce ne sont pas des
jouets qu'on peut balancer d'un échelon à un autre en permanence.
Et je pense qu'il va falloir faire des concertations avec les
salariés de ces intercommunalités des villes et des conseils
généraux si il y a fusion en 2020, pour sortir par le haut et aussi
les protéger un peu. J'ai rencontré une bibliothécaire de
Montreuil qui m'a dit "J'ai l'impression d'être de la bidoche
dans cette histoire !" Donc il faut que nous, les politiques,
nous arrêtions de faire ce qu'on a envie de faire, des propositions,
ainsi de suite, sans jamais prendre en compte la réalité du
personnel et que nous commencions à les rassurer sur leur devenir.
Et je terminerai en
revenant sur ce qu'a dit Razzy. Nous demandons, au Front de Gauche,
un référendum par rapport à Paris-Métropole parce que, jusqu'à
présent en France, chaque fois qu'il y a eu de grandes réformes
territoriales — ça a valu le poste au général De Gaulle en son
temps — il y a eu des référendums. Il faut qu'il y ait un
référendum parce qu'ainsi aura lieu le débat pour savoir si on
veut un Grand Paris ou si on ne veut pas d'un Grand Paris, sous
quelle forme ? Il faut qu'on rende la parole aux citoyens. Mais je ne
pense pas qu'il faut simplement espérer que la loi tombe
d'elle-même, sans intervention citoyenne sur cette question. Je
crois que les choses ne sont pas si simples que ça, parce que ce
sont des directives européennes qui poussent à la métropolisation
d'un certain nombre d'endroits pour tailler dans les services publics
et arriver aux 4,5 milliards d'euro d'économie sur les collectivités
locales. Je pense qu'il faut que l'on soit forts et que l'on réclame
tous ensemble un référendum sur le devenir de la métropole
parisienne.
Stéphane Goudet
Sur le lien Grand Paris –
Méliès, il y a quelque chose qu'on n'a pas dit de façon très
claire. L'hypothèse d'un transfert au Grand Paris repose la question
de la fameuse concurrence déloyale avec les cinémas privés
voisins. C'est une espèce de grand flash-back pour nous.
C'est-à-dire que, à un moment, MK2 et UGC dans une enceinte commune
qui serait le Grand Paris seraient en mesure de dire "mais
pourquoi on continue à aider des cinémas publics alors qu'on fait
la même chose ?", puisque c'était déjà le discours à
l'époque.
D'une certaine façon,
notre rapport de proximité avec les instances dirigeantes nous
protégeait malgré tout, par rapport à ces volontés
monopolistiques pour les appeler comme elles sont. Aujourd'hui, les
grands circuits ont encore gagné du terrain ; depuis ce
conflit, ils représentent 85 % des entrées sur la région
parisienne, ce qui est absolument dément. Et nous sommes
effectivement, virtuellement, des contre-pouvoirs, les contrepoids
nécessaires et qui sont non seulement nécessaires à ce que les
populations locales voient les meilleurs films et les plus
diversifiés qui soient, mais qui sont également nécessaires, comme
il a été rappelé tout à l'heure, pour que les petits
distributeurs puissent continuer à montrer des films différents
(tout ça a effectivement un rapport avec que tout ce que l'on vient
de vivre par ailleurs).
Aujourd'hui, le plus
important peut-être de l'ensemble des labels pour défendre
véritablement l'essence du cinéma, c'est-à-dire le label
"Recherche", est en danger à Montreuil puisque la nouvelle
direction-programmation, compte tenu de l'effondrement de la
fréquentation, s'est rabattue vers "l'autoroute" Art et
Essai : les grands films des grands auteurs connus, au détriment
très clair des films des petites nationalités, des petits
documentaires qui peuvent être absolument fascinants. Pourquoi n'y
a-t-il pas actuellement à l'affiche au Méliès L'escale qui
fait beaucoup parler de lui et qui est un film étonnant, qui vient
de faire l'ouverture des Rencontres du Cinéma documentaire ?
Rencontres autrefois montreuilloises, et qui ont annoncé, pendant
leur cérémonie d'ouverture que, compte tenu de ce qui s'était
passé autour de la problématique du "vrai et du faux" —
qui était leur thème de l'année — elles ne pouvaient pas
retourner chez madame Voynet et s'exilaient donc pour un an mais
qu'elles espéraient bien pouvoir revenir. L'une des bonnes nouvelles
de la semaine, c'est qu'on retrouvera sans doute les Rencontres du
Cinéma documentaire au Méliès de Montreuil l'année prochaine !
Mais aujourd'hui, il y a
véritablement un lien entre ces enjeux de rattachement ou non avec
les autorités supérieures, les combats que nous avons menés pour
faire en sorte que le Méliès, en tant que cinéma public, ne soit
pas broyé par les multinationales et les multiplexes extérieurs et
la programmation au quotidien : qu'est-ce qu'on défend comme type de
films ? comment on ouvre à la diversité du cinéma ? ...