L'Humanité.fr Jeudi 23 Mai 2013
3/5 Manuela Frésil.
À Montreuil, l’adjoint à la culture préfère rester devant les portes du cinéma
Cinéaste
Pour la projection de mon film, la grande salle du Méliès, à Montreuil, était pleine. Le Méliès, c’est le cinéma municipal de mon quartier. Ce qui ne l’empêche pas d’être indépendant.
Il nous est aussi indispensable que le marché le dimanche matin, la piscine, La Poste et l’agence Pôle emploi… Nos enfants y ont vu leurs premiers films sur grand écran et ce n’étaient pas des Walt Disney. J’ai découvert des raretés aux Rencontres du cinéma documentaire. J’ai pu quelquefois expliquer à des voisins pourquoi et comment, à mon sens, tel film de Resnais était un grand film. Alors que la chute leur paraissait… « trop… très… énigmatique, peut-être ? » C’est l’avantage de la vie de quartier que de parvenir à prolonger des conversations de loin en loin et de voir les enfants grandir – les siens, ceux des autres. Fréquenter d’autres séances que celles où l’on aimerait les accompagner…
Mais récemment le Méliès a été malmené. Le public qui le fréquente aussi. Nous serions des « bobos », des gens qui aiment l’élitisme, la culture avec un grand C. Quant aux cinéastes invités, la municipalité accuse l’ancienne équipe d’avoir donné de la drogue à certains d’entre eux. « Pas à moi ! » j’ai dit à nos grandes filles qui nous regardent en coin. Puis le Méliès est tombé en grève comme on tombe malade. Pendant un mois et demi, il nous a manqué. Il a rouvert très affaibli. Le directeur artistique licencié, une programmatrice mutée, l’autre remerciée.
La municipalité a tenté une greffe : une directrice qui programmerait et/ou une programmatrice qui dirigerait… bref, j’ai pas très bien compris. Mais cette greffe ne prend pas, le public résiste. Lorsqu’on m’a proposé de faire un débat à Montreuil, j’ai accepté. J’ai accepté de débattre à Montreuil de l’avenir du cinéma. L’adjoint à la culture, et alors même que la salle était pleine, n’a pas voulu entrer. Il a dit que le « problème du cinéma était derrière lui ». Il a dit que nous n’existions pas. C’est difficile de résister quand on n’existe pas…