Le Figaro lundi 18 février 2013

Des fidèles du cinéma d'art et d'essai de Montreuil se sont rassemblés, samedi matin, devant les portes closes de l'établissement. Crédits photo : Bruno LEVESQUE/GLOBEPIX/GLOBEPIX




Ce cinéma d'art et d'essai est au centre d'un bras de fer entre la maire de la ville, Dominique Voynet, et sa direction actuelle.

«Je soutiens le Méliès de Montreuil, saison 2.» Le texte était imprimé sur des autocollants affichés sur les vestes des fidèles du cinéma d'art et d'essai deMontreuil, qui se sont rassemblés, samedi matin vers 10 heures, devant les portes closes de l'établissement. Tous se sont ensuite rendus à la conférence animée par l'équipe du Méliès désireuse de répondre point par point aux accusations dont elle fait l'objet.
Nouvel épisode donc, dans l'histoire du Méliès, cinéma créé en 1971, qui connut de nombreux rebondissements. Et plusieurs actions en justice. La dernière en date vient de la mairie de Montreuil, actuelle propriétaire du cinéma qu'elle subventionne à hauteur de 250.000 euros par an. Motif de la plainte déposée contre X, le 6 décembre dernier, par la maire Dominique Voynet (EELV): détournement de fonds publics. L'élue aurait été informée de l'existence d'une «caisse noire» au sein du cinéma, nourrie par un système de double billetterie lors de séances non commerciales. Le préjudice sur dix ans, selon la mairie, se chiffrerait à 143.000 euros de manque à gagner.

Le directeur artistique suspendu de ses fonctions

Stéphane Goudet, directeur artistique du Méliès depuis 2002, en conflit depuis plusieurs mois avec la municipalité, est tout particulièrement visé par cette plainte. Suspendu de ses fonctions depuis décembre, il est en cours de licenciement pour, notamment, «manquement à l'obligation de réserve et non-dénonciation de pratiques comptables irrégulières». La programmatrice et deux régisseuses, «mutées dans l'intérêt du service», sont également sur la sellette. L'équipe en place est donc en grève depuis déjà un mois. Mais garde le soutien de cinéastes réputés (Agnès Jaoui, Bertrand Tavernier, Matthieu Amalric…) et des habitués. Tel Jean-Claude*, cinéphile de 76 ans, membre de l'association Renc'Art au Méliès, qui s'agaçait d'entendre Dominique Voynet parler de la programmation «élitiste et destinée aux bobos» du cinéma municipal.
Le public venu écouter les débats samedi matin n'avait en effet rien de «bobo». Plutôt situé dans la classe moyenne, flirtant avec les 60 ans d'âge moyen, c'est en opinant du chef qu'ils ont écouté le réalisateur Robert Guédiguian faire part de sa tristesse et de sa colère: «La municipalité nous apprend que cette équipe du Méliès aussi dévouée que brillante est une bande de voleurs, d'escrocs, d'incapables. Nous ne le croyons pas.»

L'équipe en place conteste les détournements de fonds

Marie, jeune employée en charge des séances scolaires, enchaîne: «Sur la somme fantaisiste que le cinéma devrait à la ville, on nous réclame 8000 euros d'abonnements scolaires non encaissés. En fait, les parents ont l'année scolaire pour payer le forfait de 10 euros pour 5 films. Les 8000 euros manquants étaient simplement en attente de règlement.» Quant au manque à gagner de 77.000 euros sur dix ans, du fait d'encaissement de séances spéciales - souvent des films amateurs, sans visa de distributeurs -, il est calculé sur une moyenne de 91,2 spectateurs par séance. «Or, on tourne plus souvent autour de 30 spectateurs, surtout quand on projette un documentaire slovène sous-titré», selon l'équipe en place.
Beaucoup évoquent des arrière-pensées politiques pour expliquer les accusations de la mairie. Un ancien programmateur de cinémas d'art et d'essai en banlieue parisienne suggère plutôt des raisons économiques. Déjà engagée dans le projet d'une future piscine écologique sur les hauts de Montreuil estimé à 15 millions d'euros, la mairie n'a pas forcément les moyens de financer aussi les salaires et l'entretien du tout nouveau cinéma Méliès de six salles qui doit ouvrir fin 2013 en centre-ville. Ce futur plus grand cinéma municipal d'art et d'essai de France pourrait, non pas coûter, mais rapporter une jolie somme à la ville, si l'un des deux groupes sur les rangs pour le gérer à la place de la municipalité le prenait en concession.
* Le prénom a été changé.

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