TABLES RONDES DU 30 NOVEMBRE 2013 3/3


Pour la diffusion du cinéma indépendant :Place et rôle d’un cinéma municipal Art et Essai, lieu de débat et de création.


Le Méliès, espace à part entière pour la diffusion de films à petits budgets. Le Méliès et les autres arts. Le Méliès espace de création artistique. Le Méliès lieu d’expression démocratique des citoyens, des spectateurs et des professionnels du cinéma. Le Méliès hors les murs à la rencontre de son public. Place et rôle des espaces culturels et de restauration qui seront à l’intérieur du cinéma. 

Jean Pierre Thorn, réalisateur
Serge Fendrikoff, distributeur, programmateur du cinéma de Saint-Maur
Daniel Rome, président du Comité local Attac
Vincent Glenn, réalisateur


Marie-Madeleine Cornières
Ce troisième thème est consacré à la diffusion du cinéma indépendant, à la place et au rôle d'un cinéma municipal Art et Essai, lieu de débat et de création. Je sais qu'aujourd'hui le cinéma indépendant est très malmené et je pense qu'on a déjà un peu abordé ce sujet lors de nos rencontres le 8 juin mais les choses ont avancé, il y a eu un débat au Sénat autour de ces questions. Je donne la parole à Jean-Pierre Thorn qui a participé à ce débat au Sénat


Jean-Pierre Thorn
réalisateur

Avant de parler du débat au Sénat, je veux, en tant que cinéaste, remercier profondément les amis, l'équipe du Méliès, Stéphane Goudet, et son public, Renc'Art au Méliès et le C'ism. c'est quand même quelque chose d'assez exceptionnel en France que le public se mobilise, comme ça, pour une salle. Je tiens à le souligner : ça montre l'enracinement de cette lutte.
Mon propos va être de relier ce que vous vivez ici à ce qui se passe nationalement parce que, effectivement, j'ai été invité à deux reprises au Sénat, dont une fois par le Front de Gauche qui voulait comprendre ce qui est en train de se passer en France et pourquoi toute une série de salles sont actuellement menacées de disparition. Je voudrais vous signaler qu'actuellement, une des salles historiques Art et Essai, à savoir les Studios à Tours, qui fait jusqu'à 300 000 entrées par an, qui diffuse 450 films, est menacée de disparition par la décision de la commission nationale qui donne les autorisations sur la construction des multiplexes. Le maire PS de la ville a reçu la bénédiction de la commission nationale malgré les interventions d'un certain nombre de personnalités du cinéma dont Bertrand Tavernier. Il est, comme moi, allé sur place, a défendu, a essayé d'expliquer au maire que, si on met un deuxième multiplexe à la porte des Studios à Tours, cette salle n'aura plus les 30 films qui lui assurent une certaine rentabilité pour, à côté, diffuser les 450 films non rentables. Ça rejoint la question que posait tout à l'heure Abraham Cohen, que posait Stéphane. Effectivement on ne veut pas de ghettos ; on veut qu'il y ait une circulation entre le cinéma Art et Essai porteur — comme on dit — et, à côté, des films complètement novateurs, à la recherche de nouvelles écritures, des nouveaux comédiens, des nouveaux sujets, qui cherchent à renouveler le cinéma. Et je trouve que c'est quand même paradoxal que, dans une ville qui se réclame de l'écologie, on doive se battre pour préserver la biodiversité nécessaire à la vie humaine qui est absolument nécessaire à la Culture : si on n'a pas des "petits films" qui, demain, vont renouveler l'industrie cinématographique, l'industrie se sclérose.
Ce combat n'est pas nouveau. Moi-même, je suis un des initiateurs d'un manifeste qui s'appelait Résister et rassemblait en 1991 250 cinéastes dont mes amis Dominique Cabrera, Robert Guédiguian, etc.. Nous disions"On va au casse pipe !" Et ce qu'on a dénoncé en 91 est en train, aujourd'hui, d'arriver. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, vous avez 176 multiplexes qui, à eux seuls, font plus de 50 % de la fréquentation. Les chiffres du mois dernier, publiés par le CNC disent que 10 films chaque semaine font 92 % des entrées. C'était 87 % l'année dernière. Vous imaginez : 10 titres qui font 92 % des entrées ? L'association Française des Cinémas Art et Essai vient de reprendre ces chiffres...
Donc, le problème de fond, c'est qu'il n'y a pas de politique publique de cinéma dans ce pays. L'analyse, qu'en tant que cinéastes, avec des amis indépendants, nous avions faite était que la politique mise en place depuis les années 90 par le CNC, quelle que soit la couleur de Gauche ou de Droite, était de faire davantage de films de 7 millions d'euros — pourquoi ? pour concurrencer le cinéma américain — et davantage de multiplexes. Je vous en parle parce que ce sont des choses sur lesquelles on devrait pouvoir agir. Le fonds de soutien à l'industrie du cinéma est alimenté par votre ticket de spectateurs : 10,5% du prix du ticket que vous payez vont dans une caisse, c'est la TSA, ; la télévision met 5,5% de son chiffre d'affaires ; le chiffre d'affaires de la vidéo est également taxé. L'ensemble constitue un fonds de 770 millions d'euros. A la différence d'autres formes d'art, le livre ou la musique, le cinéma a mis en place une politique d'aide qui a mutualisé les moyens. Or, ces moyens ont été accaparés, aujourd'hui, par les gros, par les films de plus de 7 millions d'euros et par les multiplexes. C'est ça qu'il faudrait changer!
Dans le cadre des questions posées récemment au Sénat, il y a eu un manifeste, ce qui montre que les luttes menées ici sont loin d'être isolées, mais sont, au contraire, à l'avant-garde d'une lutte nationale. Il y a eu un regroupement de 150 salles à l'heure actuelle, qui s'appelle "le manifeste pour une exploitation indépendante" et est animé par le Groupement National des Cinémas de Recherche avec Jérôme Brodier et Boris Spire de Saint-Denis ; il rassemble des gens comme ceux des Studios de Tours, etc... et aussi des associations ; Renc'Art et d'autres associations pourraient y adhérer. Moi-même, j'ai été invité récemment à Enjeux sur images puisqu'à Lyon, un directeur-programmateur a été mis à pied, dans les mêmes conditions que Stéphane, pour manquement au devoir de réserve. Il s'agit de Marc Artigau, qui menait une politique formidable à la tête des CNP [Cinémas Nationaux Populaires]. La municipalité PS — je tiens à le préciser parce que ça se retrouve partout — a fermé le CNP Odéon pour le vendre à un fonds de pension américain — plus exactement, le propriétaire de cette salle, qui s'appelle Galeshka Moravioff, l'a vendue à un fonds de pension américain — qui, ayant fait faillite, l'a cédé à un commerce de vêtements. Tout sauf faire du cinéma dans ce lieu alors que c'était la salle historique de Lyon ! Et depuis, à Lyon, il ne reste plus que le Comœdia. La conséquence, c'est que les films indépendants sont pris dans un engrenage infernal où chaque semaine nous sommes une quinzaine ou une vingtaine à postuler sur la dernière salle qui reste dans chaque ville, et ça c'est partout...

Stéphane GOUDET: A Lyon, UGC voulait faire disparaître aussi le Comoedia, comme il l'avait tenté, avec MK2, pour le Méliès. Si le Comœdia n'avait pas gagné sa bataille contre UGC, la situation à Lyon, aujourd'hui, serait comme à Marseille : un désert Art et Essai

Jean-Pierre THORN
La salle Art et Essai de Marseille, qui appartient au même personnage, vient de perdre sa classification Art et Essai. Et vous avez des films, y compris des films importants comme Gare du Nord, qui ne sortent pas à Marseille. Je voudrais que vous compreniez que, derrière ces politiques de concentration, c'est tout un pan du cinéma qui est en train de disparaître des écrans ; c'est-à-dire que le public n'a plus accès à ces films et que c'est un vrai problème pour la bonne santé du cinéma. Quand on défend ces idées-là, ce n'est pas du corporatisme, ce n'est pas pour défendre notre petite boutique ! C'est pour alerter sur une économie de l'importance du cinéma français qui ne peut pas se renouveler...
Au début de l'ACID, pour vous donner des exemples, quels ont été les 2 premiers films qu'on a soutenus ? C'était le film de Lucas Belvaux qui avait fait Parfois trop d'amour , contre l'avis de l'ADRC. (l'ADRC c'est l'Agence de Développement Régional du Cinéma mise en place par Jack Lang) qui estimait que ça ne ferait aucun public en salle ! et puis La petite amie d'Antonio, le film de Manuel Poirier qui, ensuite, a eu le Grand Prix au festival de Cannes. Toute économie se renouvelle toujours par les marges. Le premier qui a systématisé ça, qui a été pour nous un grand maître, c'est Jean-Luc Godard qui dit : "dans une page, si vous n'avez pas une marge, la page tient pas." On ne peut pas envisager une économie qui ne vive que sur des block-busters. C'est aberrant, c'est insensé.
Le danger que vit actuellement le cinéma, pour moi, renvoie à la question de la démocratie dans ce pays. En effet, les salles de recherche, les salles Art et Essai, qui font un vrai boulot d'action culturelle, sont, pour moi, un des rares lieux encore vivants — je peux en témoigner — dans toutes les villes de France, pour faire du débat autour de l'art, c'est-à-dire prendre le public à témoin, chercher des associations, confronter.. Et ce sont des lieux de résistance à la montée d'une fascisation de la société, à la montée du racisme qui devient épouvantable. Ce sont des lieux précieux à défendre. Et quand on voit une maire qui se réclame "verte", arriver à détruire une salle qui avait une telle vitalité à Montreuil, il y a quelque chose de profondément scandaleux. Elle va le payer — très heureux qu'elle paye — mais la question c'est l'avenir.
Les propositions discutées au Sénat sont relativement simples. Sur les 770 millions du CNC, 330 sont répartis dans le cinéma, 330 environ sont répartis dans l'audiovisuel, pour les programmes télé etc... , une quarantaine de millions vont au plan de numérisation des salles. Donc, tout cet argent, dont une partie provient de votre ticket d'entrée, on demande simplement un agrément public pour sa répartition. Quand un producteur veut faire un film, il y a des commissions qui se réunissent et on lui demande "combien tu as de techniciens ? est-ce que les salaires répondent à la convention collective ? combien de temps tu tournes ?...". Pourquoi les circuits, pourquoi les salles, peuvent-ils toucher ces sommes importantes sans répondre à des conditions publiques en matière de diversité, avec des critères comme : un film par écran, ou présenter les films au moins deux semaines ou, pour les salles en région, au moins une séance par jour. Car le problème est là, également : le cinéma qu'on appelle en ce moment "de la diversité", les films qui sortent en dehors du cinéma « du milieu », les exploitants de salles, à cause de cette concentration, ne les gardent que sur une seule séance. Le Comœdia, à Lyon, prendra mon film ; il fera 250 entrées avec 93 la belle rebelle et, ensuite, il ne me prendra plus de films parce qu'il y en a une vingtaine d'autres qui arrivent derrière. Pour toutes les villes c'est comme ça et nos films n'arrivent plus à rencontrer le public.
Pour y remédier, nous avons proposé que des verrous publics conditionnent l'accès au soutien sélectif et automatique du CNC. Prenons un autre exemple : si vous êtes un distributeur indépendant et que vous voulez présenter un film dans un multiplexe — aujourd'hui, à Paris, vu que le marché est tenu par UGC et MK2, vous ne pouvez pas sortir un film sans essayer de trouver des écrans chez eux, même si vous travaillez avec les salles indépendantes, car il faut bien qu'il y ait une visibilité aux films — pour rentrer dans une salle de MK2 ou une salle d'UGC, vous allez payer des droits d'entrée. Quand vous êtes un indépendant, vous allez payer le prix pour votre bande-annonce sous la publicité et ces sommes sont énormes : elles vont de 30 000 à 110 000 euro pour deux semaines de bande-annonce. C'est aberrant. On prétend soutenir la diversité et on fait payer les gens, les distributeurs indépendants, qui essayent justement de soutenir la diversité.
Nous avons fait de nombreuses autres propositions, comme l'augmentation du soutien financier public au-delà de quatre semaines de présence d'un film, pour que les salles ne prennent pas seulement les films en sortie nationale mais étalent leur travail. On a également proposé de doubler le soutien sélectif des salles qui travaillent sur les films qui sortent sur moins de 40 écrans au niveau national parce que, aujourd'hui, à peu près 50 % des films Art et Essai sortent sur moins de 20 écrans en sortie nationale. La fenêtre de sortie des films Art et Essai devient tellement étroite que nos producteurs — il faut que vous compreniez ça aussi — ne s'y retrouvent plus. L'origine de la grande crise qu'ont traversée les cinéastes vient du fait qu'aujourd'hui, le marché est tellement asséché, l''économie pour sortir des films est tellement fragile, on sort les films face à des publics si peu nombreux, que les producteurs ne s'y retrouvent plus. Pour mon prochain film, je vais aller voir mon producteur de 93 la belle rebelle et il va me dire "Jean-Pierre, tu es bien gentil, mais je n'ai plus rien à investir." Du coup les cinéastes se sont divisés entre eux. Une partie des cinéastes a dit "dans ces cas-là, il ne faut pas de convention collective, il ne faut pas payer les techniciens !", c'est-à-dire : la seule manière de continuer à ce qu'il y ait de la création c'est ne plus payer ! Je n'étais pas du tout d'accord avec cette position. On est arrivés à cette aberration que des films en dessous de 1,2M€ se font sans convention collective. Les courts-métrages, par exemple. Comment allons-nous vivre de nos métiers ?
En résumé, première proposition  : un verrou public sur tous les accès au soutien.
Deuxième demande — on l'a faite à différentes reprises et les salles de recherche sont en train de la reprendre — la loi a laissé depuis 1990 aux multiplexes le droit de globaliser à l'échelle de la France tous les soutiens automatiques payés dans chaque salle. Je ne sais pas si vous voyez ce que ça représente : ce sont des sommes colossales, avec lesquelles ils investissent ville par ville pour éliminer les concurrents ; ils investissent actuellement à Tours ; ils ont investi à Grenoble ; ils ont investi à Lyon, et ainsi de suite... On propose qu'il y ait un plafonnement : au-dessus de 50 écrans., plus de mise en communauté d'intérêt du soutien.
De même, alors que les circuits, les multiplexes disent, aujourd'hui, que leur chiffre d'affaires c'est 50 % en confiserie, pourquoi le CNC ne taxe-t-il pas l'ensemble de la confiserie pour redistribuer cette manne au profit des salles qui font un travail d'action culturelle ?
La troisième proposition qu'on a faite émane d'un rapport de 2008 sur Cinéma et Concurrence1, rapport qui a été jeté à la poubelle. Ce rapport préconise expressément de limiter par bassin de population le nombre d'écrans auxquels un même film peut accéder. On pourrait très bien dire qu'au-delà, par exemple, de 25 % du temps disponible dans un secteur déterminé, le médiateur aurait le droit de déprogrammer un film qui a trop d'écrans pour laisser passer les autres.
C'est parce qu'actuellement il n'y a pas de politique publique pour aider la diversité, le renouvellement du cinéma que nous avons lancé ce manifeste. Un certain nombre d'élus sont venus, ont manifesté leur intérêt. Moi-même, à la tribune, j'étais à côté de Pierre Laurent, j'ai apprécié son soutien. Des gens comme Pierre Juquin sont montés au créneau, parce qu'il défend une petite salle à Clermont-Ferrand. Marie George Buffet va déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale. Cela signifie qu'il y a, en ce moment, un certain nombre d'élus qui se disent "mais, nom de dieu, c'est vrai ! On voit toutes les luttes qui ont été menées. Il faut qu'on fasse quelque chose."
Donc continuons, nous ne sommes pas seuls, et je pense que la lutte qui est menée ici est une lutte exemplaire pour la diversité, pour la création. La culture ce n'est pas un bien comme un autre.


Daniel Rome
Président d'ATTAC 93

Tout d'abord je remercie Renc'Art au Méliès d'avoir invité ATTAC. Il faut qu'on ait vraiment ce débat tout au long des mois qui viennent. Les Montreuillois vont élire une nouvelle équipe municipale et la Culture est un enjeu fort sur une ville. Et je tenais à dire aussi que ATTAC à Montreuil — et plus largement dans beaucoup de villes — en tout cas ATTAC à Montreuil, depuis de nombreuses années, a un partenariat privilégié avec le Méliès et je pense à Serge, qui est à côté de moi, avec qui on a beaucoup travaillé, et à Stéphane ; et d'autre part, avec le Centre Dramatique National, le théâtre de Montreuil.
Il y a aujourd'hui un véritable enjeu : Jean-Pierre Thorn parlait de la crise du cinéma, j'irai un peu plus loin, en disant que les choix politiques actuels mettent véritablement en danger l'ensemble de la Culture, aujourd'hui, parce que le Livre est menacé, le Cinéma est menacé, et toutes les formes de Culture sont menacées... Il ne faut pas oublier que certains ministres ont estimé qu'il n'était pas normal qu'il y ait des prêts gratuits de bibliothèques dans les municipalités, que normalement ça devrait être payant ! (Moscovici, il n'y a pas si longtemps).
Il y a donc une véritable réflexion à avoir. Le danger n'est pas nouveau. Nous avons réussi à le conjurer en 98 et 99, au moment de l'accord sur les investissements multi-latéraux qui était négocié en secret par Dominique Strauss-Kahn et les autorités américaines autour de l'idée qu'il fallait favoriser les échanges à travers le monde sur tous les plans, y compris la Santé, l'École, l'Éducation et la Culture. On a réussi à repousser cet accord, mais,aujourd'hui, un accord très dangereux de libre échange est en train d'être négocié entre l'Union européenne, les États-Unis et le Canada. Les Américains, notamment, pour revenir au cinéma, les grands majors américains demandent à ce que la Culture et le Cinéma entrent dans ces accords. Parmi les propositions faites à Bruxelles récemment, il était dit que tous ceux qui contreviendraient à mettre en péril l'ensemble des entreprises cinématographiques ou de Culture devraient écoper d'une amende. En clair, si je ne laisse pas aller les majors américains ou un certain nombre de gens qui vendent de la soupe ou de la culture au rabais, j'écope d'une amende ! Si l'Union européenne signe cet accord, ça va aller très très mal pour le cinéma.
Il faut relier un certain nombre de choses qui se passent au plan local avec des accords qui nous paraissent lointains mais qui ont des répercussions.
Je terminerai en disant qu'il y a trois domaines — tous les domaines mais trois domaines particulièrement — qui ne doivent pas souffrir d'une logique de marchandisation : l'École, la Santé et la Culture. Là-dessus, il faut tenir bon. Et aujourd'hui, il y a un véritable danger parce que, depuis 30 ans, toute la logique néo-libérale essaie de nous insuffler du ketchup dans le cerveau, c'est-à-dire essaie de modifier nos rapports à la culture dans une logique marchande — exemple, chez nous, les multiplexes — et je trouve que le Méliès, à l'inverse, est un outil formidable qui sort de cette logique, qui permet de penser la culture non pas dans un rapport de consommation étroite mais dans un rapport d'échanges, un rapport de convivialité où on pense l'Homme en devenir, en progrès. Il faut vraiment défendre des outils comme cela et je pense que tout le travail qui avait été fait en direction des écoles et des collèges, notamment avec l'équipe précédente, était vraiment un travail formidable qui a permis à de nombreux jeunes d'une part d'aller au cinéma et d'autre part d'avoir une culture autour du cinéma.
Je suis enseignant et, à ce titre, je participe sur l'académie de Paris à "cinéma et lycéens", programme qui met les lycéens non pas dans un rapport de consommation du cinéma mais dans un rapport culturel au cinéma. Je crois que c'est là-dessus qu'il faut qu'on tienne bon, parce que si on rompt les digues, ça va être terrible.

Marie-Madeleine Cornières
Je me tourne vers Vincent Glenn, réalisateur, pour lui demander comment un cinéma comme le Méliès qui est un cinéma municipal peut l'aider dans les activités qu'il mène. Est-ce qu'on peut attendre quelque chose d'un cinéma comme le Méliès quand on travaille comme toi ?


Vincent Glenn,
producteur-réalisateur montreuillois

Avant de répondre à cette question j'aimerais poursuivre un peu, par rapport à ce qu'ont dit Jean-Pierre Thorn et Daniel Rome à l'instant : le phénomène de concentration, c'est un phénomène mondial, la logique de privatisation qui est à l'œuvre dans les textes, en effet, de l'ANI et de l'Organisation Mondiale du Commerce — l'ANI est mort, mais il revient avec le projet de traité de libre-échange Europe-États-Unis — ne concerne pas seulement la Santé, l'Éducation et la Culture. Nous avons déjà cédé pour les télécoms ; nous avons cédé pour l'énergie ; nous avons cédé pour les transports, petit à petit... Ce qui est en jeu sur le fond, c'est la volonté de mettre à mort l'idée d'un trésor public et d'une richesse collective. En permanence, on entend dans les médias et on voit sur les affiches publicitaires qu'il y a une seule richesse : la richesse privée, votre richesse à chacun en tant que consommateur. Face à tout ce qui relève de la richesse publique collective, on trouve ceux qui détiennent les capitaux, ceux qui ont intérêt à concentrer toujours davantage les entreprises, à absorber les entreprises, à racheter les entreprises pas chères pour les transformer en nouveaux profits, qui ont donc intérêt à racheter les universités, à racheter les écoles et, pourquoi pas ? les hôpitaux, pour en faire des instruments de profit — c'est le premier point, c'est une logique qui part de très très haut et de très loin. À moins de nous ré-accorder ensemble sur un projet politique qui ne soit pas seulement un projet économique, à nous de nous ré-accorder sur une vision politique qui contrecarrerait cette vision-là, nous sommes sur une posture défensive épouvantable, à devoir nous retrouver de plus en plus dans une position de citadelle assiégée et, finalement, promise à des formes d'étouffement et de défaite.
Je crois qu'il faudrait réussir à rendre de nouveau désirable ce qu'on appelle le trésor public qui a plutôt, aujourd'hui, l'image "has been" des impôts — regardez un peu, en ce moment, le sort qui est fait aux impôts : on veut les "remettre à plat" ! — , ce qui veut dire que, effectivement, ce n'est pas très excitant et je crois que c'est un des problèmes qui est posé ici.
Revenons au plan local. Pour moi, un cinéma fait partie de ces lieux qui constituaient auparavant "l'agora", un des derniers lieux de la Cité où l'on peut parler, échanger, parler d'idées, parler d'économie, parler de tout ... Cette première idée, pour moi, est très importante. C'est aussi un lieu où, par définition, on projette, on peut se projeter dans l'avenir, on peut se projeter dans l'Histoire, ça nous permet, en tant que citoyens, de projeter et de regarder ensemble quelque chose.
Je voudrais aussi parler d'une notion qui, pour moi, reste problématique : localement, quand on parle de cinéma indépendant, je ne sais pas trop ce que c'est. J'ai toujours essayé de devenir de plus en plus autonome jusqu'à créer une société de distribution avec un certain nombre d'alliés, de collègues, de coopérateurs, on a essayé de créer cette société de distribution, on n'est pas du tout indépendants. On est, éventuellement, interdépendants : on dépend non pas d'un interlocuteur, mais de 20 ou 30 différents. Ce qui fait que quand il y en a un qui vous dit non, vous pouvez toujours aller voir les 25 autres.
Donc le Méliès, à ce titre — je réponds à la question de Marie-Madeleine Cornières— c'est évidemment un atout parce que c'est un des lieux qu'on peut aller voir quand on a un film à proposer, que ce soit un film sur la Résistance ou, comme c'était le cas récemment, sur la dette publique. C'est un des lieux qui peut être à l'écoute et qui peut programmer ce film et faire en sorte qu'un certain nombre de spectateurs viennent le voir.
Je pense que ce qui est en débat depuis tout à l'heure et qui, moi, me met un peu mal à l'aise, c'est qu'en effet, un cinéma de service public c'est dédié au public c'est-à-dire à tout le monde, des plus jeunes aux plus âgés. Et en même temps, pour nous qui faisons des films, pas du tout des films du milieu — les films du milieu sont des films de riches ; nous on fait des films de "je ne sais pas où", de tout en bas, on fait des films avec très très peu d'argent et c'est même parfois limite — le cinéma de service public c'est la possibilité de décrocher avec les enjeux quantitatifs, la possibilité de rompre avec l'audimat. Je sais qu'un certain nombre de directeurs de salles de cinémas municipaux doivent "faire du public" tout simplement pour montrer qu'ils ne servent pas à rien, tout simplement pour montrer que c'est excitant un cinéma municipal parce qu'il peut y avoir beaucoup de monde. En même temps, le fait que nous-mêmes abordions le problème en termes quantitatifs, en termes de nombre de places, en termes de nombre de spectateurs, je trouve que c'est d'une certaine façon nous approprier la logique de nos adversaires. Je le dis, à titre personnel, pour ouvrir les débats, mais pour moi, c'est quand même un problème.
Je terminerai en disant qu'il y a 2 notions qui sont presque opposées l'une à l'autre : en tant que citoyen, on a des devoirs ; en tant que spectateur, on a des désirs ; ce n'est pas du tout la même logique. Moi, il y a des films, on me dit "d'aller les voir", "faut aller voir ce film parce que je ne sais quoi !", avec l'idée de devoir, je pense que je n'irai pas. Si on me dit "va voir ce film, c'est vraiment bien, tu vas voir, tu vas apprendre plein de trucs, il est super, il est formidable !", je vais y aller parce que ce qui va m'y emmener, c'est quelque chose de l'ordre du désir.
Mon mot de la fin sera que ce cinéma, si on veut que ça marche, il faut de nouveau le rendre désirable. Et pour ça, je pense qu'il y a une méthode : il y avait avant une équipe qui donnait envie... Peut-être qu'il faut tout simplement recommencer avec cette équipe et puis d'autres alliés qui viendraient éventuellement la compléter ou l'encourager et la renforcer.

Marie-Madeleine Cornières
Serge, toi tu as été programmateur au Méliès ; tu es maintenant programmateur dans une salle à côté, à Saint-Maur ; comment vois-tu un cet espace, ce nouveau cinéma avec deux espaces, un espace de restauration et un espace plus culturel ? Comment peut-on dynamiser ces deux espaces, comment faire pour qu'ils soient des espaces de débat, de rencontres, d'échange ?


Serge Fendrikoff,
distributeur, programmateur du cinéma de Saint-Maur

Je vais faire comme Vincent : je vais commencer par parler d'autre chose, je vais parler de mon expérience personnelle : après le Méliès, je suis allé à Montpellier, maintenant je suis à Saint-Maur, et je suis, par ailleurs, distributeur de films, de tout petits films.
Il faut bien voir que, sur la carte de France, des Méliès, il n'y en a pas 10 : il y en a peut-être 9 ! Des salles où les films de Vincent Glenn ou les films de Dominique Cabrera — dont je me suis occupé — ne sont pas seulement programmés, car programmés, ça ne suffit pas ! Quand on projette simplement un film pour se dédouaner culturellement, en disant "je l'ai programmé, je l'ai défendu", ce n'est pas ça le métier d'exploitant ou de programmateur. Le métier d'exploitant c'est : « je vois un film ; j'ai envie de le montrer ; comment je fais pour que les spectateurs soient devant ? » Parce que programmer un film et apprendre ensuite qu'il y a eu 3 personnes devant, c'est la dépression ! Et c'est même pire que si on avait dit "non, je n'en veux pas, de ton film, parce qu'il ne va pas marcher" parce que là, au moins, on est honnête . Et donc des Méliès...
Je pense que vous en avez conscience, il y a un vrai public au Méliès. Quand j'étais programmateur au Méliès, on me disait : "c'est facile au Méliès, tu peux passer n'importe quoi, tu auras toujours des gens devant !" Moi je disais : "mais non, ce n'est pas vrai" — mais parfois c'est un peu vrai, parce qu'il y a un public qui suit la programmation, qui est attentif aux propositions originales, hors marché, innovantes, qui est attentif à des premiers films, attentif à des films difficiles. On va prendre le cas de Dominique Cabrera : vous la connaissez tous. Donc, on a sorti son dernier film le 23 octobre dernier sur 11 copies-France ce qui est, pour nous, distributeurs, un blockbuster ; c'était inespéré ! Pour moi, en tant que distributeur, le Méliès, ça devait être la plus grosse salle de France ! C'était un public acquis parce que Dominique est montreuilloise, tous ses films ont été programmés ici et, chaque fois, on a fait une rencontre, chaque fois, la grande salle était pleine. Il n'y avait pas de raison que, sur ce film-là — qui est aussi bien que les précédents — la grande salle ne soit pas pleine. Là, on a dû faire — merci à Renc'Art — un débat "sauvage", parce que Dominique était persona non grata au cinéma !. On est dans l'exemple : on programme un film, mais on ne fait pas le travail pour qu'il y ait le maximum de spectateurs. Je rappelle que les recettes sont partagées à 50-50 entre la salle et l'exploitant : plus il y a de spectateurs, plus les deux parties gagnent. Dans cet exemple, le travail de l'exploitant n'a pas été fait. S'il l'avait été, le Méliès aurait été la salle de France — si le débat avait été annoncé en grande salle : il y aurait eu 200 spectateurs — le Méliès aurait été la salle de France qui aurait fait le plus d'entrées sur le film de Dominique, en une semaine ; plus que Paris, plus que n'importe quelle autre salle ; à Lyon, on a fait 24 entrées en une semaine !
J'ai pris cet exemple personnel pour vous rappeler l'importance du Méliès pour les films difficiles, pour des petits films. Alors, certes, quand on s'occupe des films de Dominique, on n'espère pas faire des millions d'entrées ! On a envie, quand même, de susciter un désir, que son film soit vu par le maximum de spectateurs possibles ; peut-être que c'est seulement 1 000 spectateurs mais si, sur les 1 000, il y en a 600 au Méliès, c'est tant mieux pour tout le monde.
Pour revenir à ta question sur le lieu de convivialité, je crois qu'il était déjà dans le projet de 2006-2007-2008, dans le projet de départ, et que, par ailleurs, aujourd'hui, une salle qui se construit, qui s'ouvre, qui n'a pas ce lieu-là, qui ne pense pas ce lieu-là, elle n'est pas amenée à être pérenne très longtemps. Je pense que, dans les arguments pour faire accepter le projet de construction, il y avait l'accessibilité pour les personnes handicapées, il y avait le fait que nous étions, sur certains week-ends, complètement débordés de spectateurs ; il y avait aussi le manque de ce type d'espace convivial. On le voit, aujourd'hui, quand on fait des rencontres pirates, il manque la continuité avec le film. Le film ne se joue pas juste entre le moment où on prend son ticket et le moment où on sort ; le film doit se poursuivre après et pas uniquement sous forme de rencontre, de débat, mais aussi sous des formes de convivialité où, parfois, il se dit plus de choses, tranquillement, après cinq minutes de recul, dans un espace bienveillant, que dans une salle où, pour beaucoup, intervenir comme spectateur, ce n'est pas possible ! Ce lieu-là, il participera au succès de la salle.
Par ailleurs, j'ai été "choqué" par les propos de Dominique Voynet : depuis un an, aux médias, elle dit : "c'est élitiste ! c'est élitiste !"— Moi, je n'ai jamais vu Le Méliès comme une salle élitiste ! Dominique Voynet, je l'ai vue 2 fois ; elle n'a pas vraiment mis les pieds dans la salle ; elle n'a pas réellement vu les spectateurs. Je n'ai pas l'impression qu'on ne passait — même si on aime ça — que des films kazakh ! À un moment, il faut regarder honnêtement la programmation. Je vous ai parlé tout à l'heure de l'ouverture au cinéma populaire, mais le cinéma populaire il y est déjà ! Finalement, le cinéma est devenu plus élitiste depuis quelques mois que pendant 10 ans. Je me rappelle quand on avait passé Les bronzés 3 : qu'est-ce qu'on s'était pris dans la gueule de la part de nos confrères exploitants qui disaient "vous n'aviez pas le droit ! c'est une honte ! c'est une erreur !" En tout cas, ce n'était pas une erreur économique.
Et à propos du travail avec les jeunes, je me souviens des avant-premières à minuit, en pleine semaine, avec Star Wars : la salle était pleine. Tout ça se faisait avant. Ce n'est pas parce que ça ne s'est plus fait depuis 6 mois qu'il faut renier le passé et se dire "il y a tout un chantier à refaire" ! Le travail avec le CCAS ? il était fait ; le travail avec le jeune public ?: on faisait 40 000 entrées "jeune public" ! Ce n'est pas parce que depuis 6 mois il y en a moins, ou pas du tout, que ce n'est pas possible de refaire. Je n'ai aucun doute sur le succès du 6 salles.
Je me souviens des études de fréquentation que nous avions faites ; on avait annoncé un peu en dessous, histoire de se rassurer sur le nombre d'entrées ; mais une année comme l'année 2013, avec les films porteurs qu'il y a eus, le Méliès devrait être à 190-200 000 entrées ! Il ne peut pas être en dessous ! Ce n'est pas possible de passer à côté de tant de films !

Stéphane Goudet
Il sera à 120]000 entrées

Serge Fendrikoff
Tu exagères ! Ça fait peur ? Je ne crois pas. Il faut juste remettre les choses en marche et ensuite, il n'y a pas de raison ! Pourquoi ça marchait et ça ne marcherait plus ?

Marie-Madeleine Cornières
"Remettre les choses en marche" j'aime bien ce mot parce que c'est bien de ça qu'il est question : comment revenir au cinéma qu'on aimait ? comment repartir avec l'ancienne équipe? continuer à mener le combat pour que le 6 salles soit construit — parce que pour l'instant, il n'est toujours pas construit : c'est un peu l'Arlésienne ? Moi, je me rappelle aussi des relations qu'on avait entre l'association et le cinéma. Pendant 10 ans, on a eu des relations importantes, les spectateurs et les adhérents de Renc'Art au Méliès ont été conviés à des séances de cinéma qu'ils n'auraient jamais vues ou qu'ils n'iraient jamais voir d'eux-mêmes si on n'avait pas eu ces liens entre l'association et la direction. Lorsque vous passiez des films des fois "limites", des films on savait qu'il n'y aurait pas beaucoup de spectateurs, le fait d'avoir une association à vos côtés, qui vous amenait 30 ou 40 personnes, ( ce qui nous permettait de découvrir des cinéastes ou des réalisateurs que nous ne connaissions pas), c'était quelque chose d'hyper important ! Il me semble que ce travail-là, il faut qu'il soit — je dis "qu'il soit" parce que j'ai beaucoup d'espoir dans l'avenir — qu'il soit remis en place, qu'on retravaille, qu'on retisse des liens avec la future direction, parce qu'on est sûrs d'une chose, c'est qu'on va changer de maire et qu'avec le prochain maire, j'espère que ça ira mieux, que tous ces liens qui ont été tissés depuis 10 ans, ensemble, on les renouera et qu'ils seront à nouveau porteurs pour le cinéma, porteurs pour les gens, pour les spectateurs que nous sommes, d'un travail de qualité.

Une personne dans l'assistance
J'avais envie de rebondir sur deux ou trois choses. D'abord sur l'idée du cinéma "élitiste" : je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit. J'étais là, au début, quand vous êtes arrivés — c'était un hasard, pour moi, parce que j'avais du temps — j'étais un des plus fidèles spectateurs. J'étais d'ailleurs très surpris par tous les commentaires qui ont été écrits cette dernière année, sur les blogs, etc, etc. Je me suis dit : "ces gens n'ont jamais mis les pieds au Méliès !" Ce qui est très intéressant, par exemple, c'est la façon dont les gens se sont approprié les débats, je pense par exemple à des séances comme les Écrans philosophiques : fallait voir les discussions ! Voilà comment les choses se faisaient, s'élaboraient, et ce n'était pas quelqu'un qui vient distiller son savoir ; ça n'a jamais été ça, le Méliès. Autre exemple, les soirée et les nuits blanches ; fallait voir le jeune public que ça attirait !
A propos de ce que disait Jean-Pierre Thorn tout à l'heure : il y a un an, j'ai lu dans Le Parisien, un gars qui était interrogé sur ce qui était en train de se passer au Méliès et qui disait : " moi, de toutes façons, quelle que soit l'équipe, je viendrai quand même au Méliès". Et après, dans les rencontres qu'on a faites, les Méliès éphémères, j'ai entendu des gens dire : "Ah ! mais les politiques nous font chier !" Je pense que, pour moi, ces 2 attitudes sont les 2 faces d'une même pièce, aussi aberrantes l'une que l'autre. A l'inverse, je suis assez content de tout ce qui s'est dit aujourd'hui, car il y a des enjeux politiques. J'ai souvent aimé tes interventions, précisément parce qu'on ne peut pas se passer des politiques pour faire avancer certains dossiers. En tant que citoyen lambda, je suis très sceptique sur l'idée du Grand Paris. Contrairement à ce que disait Jean-Pierre Brard tout à l'heure, je ne suis pas certain que c'est "un arbre qui va tomber du côté où il penche". Voilà.
Deuxième chose, il faut le redire, parce que c'est une évidence pour tout le monde, la réussite du Méliès ça a été aussi une équipe et c'est pour ça que ça a marché.
Et, dernière chose, j'ai vu comment a fonctionné Renc'Art ; j'ai vu les différents acteurs ; et je peux donc témoigner de ce conflit : aujourd'hui, je ne suis pas quelqu'un à qui on peut raconter "le Méliès, c'est moi !" J'ai été témoin, au quotidien, de ce qui était en train de se jouer. Je pense que ce qu'on peut en retirer, c'est que la grande réussite du Méliès, elle était là : c'est que tous les acteurs se parlaient. C'est quelque chose qui n'existe plus, apparemment, depuis 2 3 ans. Renc'Art a joué son rôle, par exemple en mettant de l'huile dans les rouages, avec le milieu associatif, je pense à des associations sportives, etc. C'est très juste de dire que la maire actuelle n'as pas mis son nez au Méliès, mais moi, je suis très content qu'il y ait Claire Pessin-Garric et je trouve qu'on a très rarement parlé d'elle cette année. Je crois que le succès du Méliès, ce n'est pas uniquement Stéphane Goudet, le succès du Méliès, c'est que, précisément, tous les acteurs se sont parlés et que chacun à sa place a joué son rôle.

Stéphane Goudet
Je voudrais rebondir là-dessus, pour dire "ce qu'on est en train de vivre est proprement hallucinant, quand même" ! Au moment où a commencé la deuxième enquête administrative dont on nous dit, dès le début, "cette fois, on ira jusqu'au bout !", avec un projet d'exécution annoncé, on s'est dit, "il faut qu'on résiste, quoi qu'il en coûte", et on va continuer d'enfoncer le clou sur le fait que c'est fondé sur des mensonges, des propos diffamatoires, que ce projet de suppression et de décapitation du Méliès est ancien — on peut retracer la genèse — On s'est dit que, du coup, on pourra réussir à mobiliser les gens qui savent le travail qui a été accompli collectivement à cet endroit, et qu'on doit pouvoir faire confiance aux élus qui, eux-mêmes, sont capables de mettre en doute la parole de la maire, et donc d'exercer une "contre enquête" sur la pseudo enquête administrative. On s'est dit « Ces gens-là, on va les fédérer, on va faire en sorte de les réunir » La première fois qu'on a fait une manif, en février, tout le monde, y compris certains élus présents aujourd'hui, nous disait "vous n'allez quand même pas faire ça ? c'est trop tôt, ça ne marche pas comme ça !" : il y avait plus de 500 personnes dans la neige !
Constater que cette mobilisation ne s'est pas tarie et qu'on se retrouve ici aujourd'hui, 10 mois après, en train de se dire que ça fait partie des raisons pour lesquelles Voynet se barre — moi j'en suis intimement convaincu — d'abord parce qu'on l'a fragilisée, ensuite parce qu'on s'est unis et troisièmement, parce que nous avons fourni à la justice des éléments graves sur ce qui s'est passé ces 2 dernières années ; elle a ces éléments dans les mains, les dossiers qu'on a fournis et auxquels elle est censée répondre et nous attendons toujours les dossiers de réplique de la municipalité à nos contestations des sanctions prises, aussi bien des licenciements que des sanctions déguisées des deux filles.
Ce n'est sans doute pas la seule raison : les sondages catastrophiques, l'éventuel poste d'ores et déjà négocié pour plus tard... mais ça fait en partie.
Il y a aussi la façon dont on a révélé notre force, par ce combat collectif, à mes yeux exemplaire, quand je vois que, malgré 46 jours de grève, malgré les vicissitudes, les attaques dont ils font l'objet en permanence, l'ensemble de l'équipe est toujours aussi soudée. Moi, effectivement, ça me bouleverse absolument. Je pense qu'en effet on ira jusqu'au bout, quel que soit le candidat élu, on ne lâchera pas prise et on ouvrira ce nouveau Méliès dont Voynet n'a jamais voulu. Merci.
1Rapport remis à Christine Albanel et Christine Lagarde en mars 2008 par Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc « Cinéma et concurrence »

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