C’est le film « Au bout du conte » d’Agnès Jaoui qui mettra fin, ce midi, à un mois et demi de disette cinématographique à Montreuil. S’il est loin d’être au bout de la crise qui le secoue depuis des semaines, le cinéma municipal le Méliès rouvre ses portes au public aujourd’hui après le retour, mercredi, de six de ses agents au terme d’une grève téméraire de quarante-six jours. « Ils ont accepté de reprendre le travail parce que le public a besoin de son cinéma et qu’ils veulent retravailler, confie Claire Huot, secrétaire de la CGT des territoriaux. Mais ils ne lâchent rien de ce qu’ils ont porté de façon courageuse. »
Le 6 décembre, la maire (EELV) Dominique Voynet annonce le dépôt d’une plainte contre X pour détournement de fonds publics et l’ouverture d’une enquête administrative évoquant une « double billetterie » et l’existence d’une « caisse noire » au cinéma. Le tollé est retentissant : des spectateurs pétitionnent par centaines, tribunes et manifs se multiplient, des dizaines de cinéastes soutiennent les salariés dont six se mettent en grève. Trois mois après, Stéphane Goudet, directeur artistique du Méliès depuis 2002 et pour beaucoup l’artisan de sa réussite, est licencié. Les deux autres agents suspendus (une régisseuse et la programmatrice jeune public) ont été mutés dans d’autres services. Et le contrat de la programmatrice générale, qui s’achevait en mars, n’a pas été renouvelé. Dans ce contexte tendu, une réunion a eu lieu mardi entre la maire et les agents en grève. « Je suis soulagée d’être arrivée à une reprise dans un climat apaisé, se félicite Dominique Voynet. Ce n’est facile ni pour les agents grévistes ni pour les non-grévistes : nous serons tous attentifs à faciliter cette réouverture. Mais j’aimerais que notre cinéma ne soit pas pris en otage plus longtemps. »
L’expression vise clairement l’association de spectateurs Renc’art au Méliès, qui appelle à un nouveau rassemblement de soutien ce soir à 19h30. « Le Méliès rouvre, mais rien n’est réglé, souligne sa présidente Marie-Madeleine Cornières. Des écritures comptables sont peut-être passées, mais est-ce que cela méritait cette justice municipale expéditive, cette enquête à charge? Dominique Voynet a sali l’image de la ville et de ses agents. » Même tonalité chez les élus d’opposition qui saluent la « dignité » d’agents victimes, selon eux, d’attaques « d’une brutalité inouïe » visant à « débarquer une partie de l’équipe pas assez malléable ». Dans un communiqué, les groupes PC-Fase, RGC-PG, PS et RSM réclament la une « mission d’information et d’évaluation » pour « procéder à l’évaluation du service public communal du cinéma et de l’ensemble des services concernés ».
Avant cela, la secrétaire de la CGT territoriaux ira négocier lundi avec Dominique Voynet les conditions de la reprise et notamment le paiement des jours de grève des salariés, accompagnés dans leur reprise par une psychologue du travail. « Ils ne sortent pas indemnes de ce qu’ils ont vécu et reprennent le travail la boule au ventre, insiste Claire Huot. J’espère que la maire fera un pas vers eux. Leur lutte va prendre une autre forme, mais ils ne veulent plus être enfermés dans un bras de fer Voynet-Goudet. »