l'Humanité Lundi 18 Février 2013


Autour du cinéma le Méliès, miasmes et enthousiasmes


La mobilisation se renforce autour du cinéma 
de Montreuil 
dont l’équipe est en grève depuis un mois face aux brutalités de la maire, Dominique Voynet.
Cette fois encore, samedi dernier, un rassemblement s’est tenu devant les salles du Méliès, au cœur de Montreuil. Une conférence de presse a suivi, tenant plus de l’assemblée générale tant il paraît urgent de dissiper les miasmes dont la mairie empoisonne l’espace public à coups d’effets de propagande diffamatoire concoctée, entre autres, avec l’aide d’une agence de communication.
Une hargne sans limites
Ce type de renfort n’est pas exceptionnel. Là, on peut noter qu’un contrat de 200 000 euros a été signé par la Ville avec DA Communication en octobre dernier, environ un mois avant que Dominique Voynet ne déchaîne une véritable violence à l’encontre du Méliès, ultime étape de l’arbitraire dont elle persécute la salle de longue date, l’accroissant depuis toute une année par une maltraitance avérée de ses salariés. Aller jusqu’à porter plainte contre plusieurs membres de l’équipe du cinéma et de son directeur, Stéphane Goudet, démontre une hargne sans limites. Accusations de « détournements de fonds » création d’une « caisse noire » dont les recettes leur auraient empli les poches. Faits graves que la réalité ne cesse de démentir. Rappelons qu’il s’agit d’une pratique courante dans les salles qui se livrent à une politique culturelle digne de ce nom en proposant des projections d’œuvres non commerciales de qualité mais ne possédant pas, ou pas encore, de visa du CNC (Centre national de la cinématographie). Les recettes classiques sont en partie versées à cette institution unique au monde qui les utilise pour soutenir la création cinématographique. Une autre billetterie, qui n’a rien d’occulte, permet à plusieurs lieux culturels de fidéliser leur public par un système d’abonnement et d’invitations, de permettre parfois la gratuité. Des exonérations dont bénéficient d’autres programmateurs, des enseignants qui viennent sélectionner des films afin de préparer un travail scolaire avec leurs élèves autour de la projection ou qui organisent des séances au cours desquelles les réalisateurs viennent présenter leurs films et leur donner vie par des échanges éclairants avec les spectateurs. Cette part de gratuité, à l’échelle nationale, navigue de 5 à 12 % selon les lieux. Elle se monte à seulement 3 % au Méliès, salle fort soucieuse d’économies. Toutes ces séances non commerciales sont annoncées noir sur blanc dans la Lettre du Méliès, document public validé par la mairie. Il arrive même que Dominique Voynet en signe les éditoriaux. Ce pourrait être cocasse dans des circonstances moins cruelles. La salle, d’ailleurs, s’esclaffe et d’une même voix pousse des huées. On mesure à quel point les récentes « découvertes » de ces prétendus méfaits n’encoureraient que le ridicule, si tout cela ne s’accompagnait d’actes et de propos scandaleux. La vindicte d’une élue qui se réclame de la gauche porte aveuglément atteinte à toute une politique culturelle de haut niveau et s’adressant à tous, que le Méliès incarne avec une singularité chaleureusement saluée, exemples à l’appui. Laurent Cantet, Laurence Petit-Jouvet, Emmanuelle Millet ou Jean-Pierre Thorn l’enrichissaient de leurs expériences singulières de spectateurs et de cinéastes. Ils soulignaient à leur tour à quel point la concentration des grands circuits met à mal le cinéma indépendant et la diversité de ses horizons, rejette aux marges les curiosités cinématographiques du monde entier.
C’est contre tout cela et ceux qui l’animent que Dominique Voynet continue de lancer des foudres politiciennes dont l’objectif reste obscur. Une lettre ouverte lui a été adressée en ce sens par Dominique Cabrera, Dominik Moll, Robert Guédiguian et Solveig Anspach, cinéastes membres du conseil d’administration du Méliès. Bien d’autres réalisateurs et acteurs l’ont paraphée. La SRF (Société des réalisateurs de films) s’est exprimée dans des termes semblables, apportant son soutien au Méliès comme de nombreuses structures municipales et départementales œuvrant jour après jour à la diffusion la plus large de la culture cinématographique. Ainsi, de l’association Périphérie de cinéma en Seine-Saint-Denis, de l’espace 1789 et de plusieurs salles municipales. Toutes représentées ce samedi, bien entendu, de même que l’association de spectateurs Ranc’Art au Méliès, créée il y a dix ans pour soutenir la salle. Pour sa part l’Afcae (Association française des cinémas d’art et d’essai) déclare sa « solidarité » avec le Méliès, qui fait partie de longue date des établissements ainsi classifiés. L’association, interrogée par nos soins car elle ne s’était pas à ce jour prononcée publiquement, reconnaît que les qualités de l’équipe actuelle contribuent largement à cette classification. Elle marque néanmoins une distance en ce qui concerne les démêlés judiciaires en cours, faute « d’informations suffisantes ». La CGT, notamment le syndicat des territoriaux, apporte non seulement son soutien aux salariés bafoués, mais à cette culture pour tous qu’ils représentent. D’autant que de nombreux services municipaux sont déjà en grève et que d’autres s’apprêtent à les rejoindre, mis à mal de diverse manière mais selon des méthodes également insultantes, dans l’exercice de leurs missions.
Cinéma parlant  Dominique Voynet répondait hier, dans les colonnes de Libération, à la lettre que lui ont adressée les cinéastes membres du conseil d’administration du Méliès. Elle rappelait en termes lénifiants son attachement aux politiques culturelles de qualité. Mais depuis deux jours, les salles 
du Méliès se sont vues équipées de vigiles et de chiens pour en interdire l’accès. Qu’en sera-il ce soir, mardi, alors que la programmation interrompue par la grève, à laquelle l’édile contraint les salariés, prévoyait la projection du film de Stefano Savona, Palazzo delle Aquile, documentaire relatant l’occupation de la mairie de Palerme par des citoyens excédés de l’attitude municipale à leur encontre ?
Dominique Widemann

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